Les projets de construction d’une grande ligne de chemin de fer reliant la Turquie et l’Azerbaïdjan via la Géorgie inquiètent les autorités d’Erevan qui craignent de voir s’accentuer l’isolement de l’Arménie. Les Arméniens pressent la Géorgie de renoncer à ce projet, qui rencontre également des objections de la part des Etats-Unis et de l’Union européenne.
Erevan, juillet 2006 - La Turquie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont rendu le projet public en mai 2005. Il s’agissait pour un coût de l’ordre de 400 millions de dollars de créer un nouveau corridor entre l’Europe et l’Asie centrale. Le projet consiste fondamentalement à créer une ligne de 100 kilomètres entre la ville turque de Kars et la ville d’Akhalkalaki dans le sud de la Géorgie.
Les Arméniens disent que ce projet n’a pas de sens au vu de l’existence d’une ligne depuis Kars jusqu’à la ville de Gioumri au nord de l’Arménie et aux deux autres pays. La ligne est inutilisée depuis plus de dix ans du fait du blocus imposé à l’Arménie par la Turquie. L’Arménie est prête à rouvrir le noeud ferroviaire de Gioumri, sans exiger préalablement la levée du blocus économique turc. « Erevan est par ailleurs prête à laisser les trois pays - la Turquie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie - utiliser la ligne située en Arménie sans participation arménienne », a répété le ministre des Affaires étrangères arménien, Vartan Oskanian, lors de sa visite à Tbilissi le 27 juin.
Déjà laissés sur le banc de touche pour le gazoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), à cause du conflit du Haut-Karabakh, les Arméniens sont inquiets des déclarations agressives du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, et ne sont pas rassurés par les déclarations géorgiennes selon lesquelles le projet est « purement commercial ». Un intense lobbying arménien a abouti à couper tout financement de la ligne par l’US Export-Import Bank (qui garantit les prêts des banques américaines et les assortit le cas échéant de taux bonifiés). « Il s’agit d’un message aux gouvernements de Turquie et d’Azerbaïdjan ; perpétuellement exclure l’Arménie des grands projets régionaux est une source d’instabilité », a déclaré Joseph Crowley, représentant de New York (démocrate) au Congrès américain, qui est à l’origine de l’initiative.
La session plénière du Congrès et le président George W. Bush semblent partager ce point de vue, de même que l’Union européenne. Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne, a déclaré en février dernier à Erevan, qu’un projet de train n’incluant pas l’Arménie n’aurait pas le soutien financier de l’UE.
La Turquie et l’Azerbaïdjan n’ont pas l’air impressionnés. Le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gül, a déclaré après un entretien avec Ilham Aliev fin juin à Bakou que « l’Arménie pouvait rejoindre le projet si elle le voulait ». Toutefois le porte-parole du ministère, Namik Tan, a précisé le lendemain « pas avant que le conflit du Haut-Karabakh n’ait été résolu ».
L’Azerbaïdjan a les moyens financiers de ce projet, grâce à la manne pétrolière. La « main faible » est celle de la Géorgie qui se pose aujourd’hui des questions sur la viabilité économique du projet dont l’étude de faisabilité avait été confiée à une société turque.
© CAUCAZ.COM | Dépêche publiée le 03/07/2006 | Par Jean GRANOUX, d’après un article d’Emil DANIELYAN pour Eurasianet