À travers cinquante-huit entretiens menés avec des hommes de différents âges et milieux sociogéographiques, cet ouvrage s’inscrit dans une démarche d’histoire orale qui vise, plus qu’à cerner objectivement ce qui se passe durant le service militaire, à saisir les souvenirs qu’il a laissés aux anciennes recrues et les discours qui l’accompagnent.
Avec ce travail, Pınar Selek nous entraîne à la suite des Mehmetçik dans une expérience saisissante et totale. Premier arrachement au milieu familial pour (...)
Un nouveau front vient d’apparaître dans la guerre culturelle menée par l’AKP au nom de ses valeurs conservatrices et religieuses : la mixité des résidences étudiantes.
L’AKP a tenu il y a quelques jours de cela sa 20e réunion de consultation et de réflexion dans la petite ville thermale de Kızılcıhaman dans la région d’Ankara. Selon un scénario familier à tous ceux qui s’intéressent à la politique turque, des propos tenus par le Premier ministre critiquant la mixité dans les résidences étudiantes ont été (...)
À quoi sert Atatürk dans la Turquie d’aujourd’hui ?
Un tel culte de la personnalité, une telle langue de bois sont étonnants dans un pays qui n’est pas une dictature. Mais la république de Turquie est un État autoritaire contrôlé par l’armée, où s’exerce une coercition avec la complicité d’une grande partie des citoyens, grâce à l’efficacité du discours idéologique, véhiculé notamment par l’école. Le culte d’Atatürk est justement la clé du système coercitif. Il est effectivement un bouclier que l’on oppose comme (...)
Le culte
La dévotion a ses dates particulières, notamment lors des cinq fêtes officielles, qui sont toutes liées à la personne et à la geste d’Atatürk. Elle a aussi ses temples, le mausolée d’Atatürk, qui domine la capitale (Anıtkabir), et le monument de la république, place de Taksim à Istanbul. Partout, des monuments sont le point focal de toutes les célébrations et actions de grâce, le lieu central de toute localité turque.
Le mausolée est un lieu où l’on est « face à face avec Atatürk ». C’est à (...)
Dans un éditorial précédent : « La Turquie est-elle une démocratie ? » nous avions évoqué la dévotion dont est l’objet Atatürk et l’élévation de l’ataturquisme au niveau d’une religion par les kémalistes. Ce texte publié initialement en 2002 dont voici une première livraison, vient étayer cette thèse avec des citations de la presse turque des années 90. Vingt ans plus tard, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre après le « règne » de l’AKP le culte a été préservé et son « clergé », constitué par l’armée, (...)
Le 8 janvier était donc l’anniversaire du meurtre de Metin Göktepe. Et le 19, on a célébré celui de l’assassinat (2007) de Hrant Dink, intellectuel, éditeur et journaliste arménien d’Istanbul, directeur du journal Agos. Le 24, c’était celui de l’attentat qui a coûté la vie à Ugur Mumcu (1993). « Mais j’aimerais comprendre ce qui se cache derrière ces assassinats, qui est derrière ? » me demande une lectrice. C’est une question que me posent souvent mes amis français qui ne connaissent pas ou peu la Turquie : (...)
En déplacement à Istanbul entre les fêtes, je décide ici de retranscrire mes quelques impressions, un voyage passionnant pour un étudiant en sciences politiques en ces périodes de tensions diplomatiques franco -turques.
Située de part et d’autre du Bosphore, à cheval sur deux continents (l’Europe et l’Asie ) la métropole turque vit et s’enrichit de contrastes, les femmes voilées côtoient les jolies stambouliotes en jupes, les hommes d’affaires croisent les vendeurs de vêtements contrefaits, de marrons (...)
Chez nous, ça n’est pas cent ans de solitude, mais cent années de mensonge. Du lancement du processus de ’nation-building’ initié lors de l’effondrement de l’empire ottoman, jusqu’à nos jours, un siècle quasiment, nous vivons dans un monde virtuel, un monde de mensonges. Enfin, « on nous fait vivre » dans un monde de mensonges, je devrais dire, parce que nous, nous n’avons pas choisi ; cela fait au moins trois générations qui viennent au monde dans ce mensonge ; nous avons été élevés dans ce monde-là, (...)
La précédente « esquisse » traitait de l’usage public de la prière comme signe politique de la part de certains gouvernants connus comme « laïcs » ou se présentant comme tels.
Ce qui caractérise la période que j’étudie est – avec bien sûr la guerre au Kurdistan – la controverse sur le rôle et la place de la religion dans la sphère politique. Le paroxysme en est l’intervention de l’armée de février à juin 1997.
En février 1997 donc, plus que jamais, l’armée se pose, s’affirme, se revendique comme « la (...)
La répression qui s’opère sous nos yeux en Turquie m’enrage. Dans Le Monde du 3 novembre 2011, Guillaume Perrier écrivait : « Cette offensive menée au nom de la lutte contre le terrorisme s’inscrit dans une tradition judiciaire tenace » ; il citait le correspondant turc de Reporters sans frontières, Erol Önderoglu, qui estime que rien ou presque n’a changé dans la politique répressive de la Turquie, depuis la grande époque « où l’état-major dictait la ligne », c’est-à-dire avant 2002.
Il nous appartient (...)