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« Une forme de racisme »

vendredi 30 septembre 2005

NOUVELOBS.COM - 29/09/2005 |- 15h18

Par Zeynel Lule, journaliste correspondant à Bruxelles
du quotidien turc Hürriyet

Comment les Turcs perçoivent-ils les sondages qui montrent une opposition de l’opinion publique française à l’adhésion de la Turquie dans l’Union européenne ?
L’opposition n’est pas seulement visible en France. Elle est présente dans beaucoup de pays, et toujours au-dessus de 50%. En moyenne, il y a environ 60% de la population de l’UE qui est contre l’adhésion de la Turquie. La France est peut-être un pays qui en parle plus que les autres car la Turquie est devenue un sujet de politique intérieure, comme on l’a vu avec la convention de l’UMP. Un parti politique n’a-t-il pas d’autre sujet à débattre ? Les hommes politiques pensent sans doute qu’après le 11 septembre 2001, il est facile d’être anti-musulman. Ils essaient de faire peur à la population en utilisant le sentiment national et la peur de l’Islam.
Daniel Cohn-Bendit (président du groupe des Verts européens, NDLR) a dit clairement lors des débats au Parlement européen que l’opposition à l’adhésion de la Turquie s’explique par une forme de racisme. Je partage un peu ce point de vue.

Le président du groupe PSE (Parti socialiste européen), Martin Schulz, a d’ailleurs remarqué que la droite ne veut pas de la Turquie, qui est musulmane, mais est prête à accepter la Croatie qui est chrétienne.

Comment la société turque perçoit-elle les hésitations des Européens ? Pourrait-elle se contenter d’un partenariat renforcé ?
Elle est scandalisée. Il y avait 75% des Turcs en faveur de l’adhésion à l’UE, mais les déclarations des Européens ont fait descendre ce nombre à 56% la semaine dernière. Si l’Europe fait le choix du partenariat renforcé, le gouvernement turc ne participera pas aux négociations, parce que l’opinion publique n’en veut pas. Les Turcs réagissent fortement au discours des européens, et en particulier des Français. Ainsi, au sein de la jeunesse turque, l’apprentissage du français n’est plus autant demandé.
Mais en quelques mois, tout peut changer. Les négociations seront longues, elles dureront dix ou quinze ans. D’ici là, la Turquie aura changé, tout comme l’Union européenne elle-même. L’Autriche, la France, et dans une certaine mesure les Pays-Bas et le Danemark sont les pays qui apparaissent comme les plus hostiles à la candidature turque.
Mais la Turquie peut compter sur l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Nous attendons de voir quelle sera la position des dix nouveaux pays membres.

Les obstacles à l’adhésion de la Turquie, que le Parlement européen a rappelé mercredi, restent pourtant nombreux. Le génocide arménien, les droits de l’Homme... Et Chypre : comment la Turquie pourrait-elle adhérer à une organisation dont elle ne reconnaît pas l’un des membres ?
Ce ne sont pas des conditions, ce sont des problèmes qu’il faut résoudre pendant les négociations d’adhésion. Concernant Chypre, les Nations unies ont fait plusieurs rapports que l’UE a appuyés. Mais ce sont les Chypriotes grecs qui ont refusé un règlement au problème de la division de l’île, juste avant leur adhésion à l’UE.
Si la Turquie reconnaissait Chypre, pensez-vous que les Chypriotes grecs auraient encore intérêt à négocier ? Il y aurait alors deux pays. Quant à la question arménienne, il faudrait commencer par ouvrir la frontière entre la Turquie et l’Arménie. Il faut créer une atmosphère qui permette au dialogue de s’ouvrir. Il sera plus facile ensuite de parler du génocide.
Les droits de l’Homme font partie des critères de Copenhague (qui établissent si un pays est prêt à l’adhésion, NDLR), et la démocratisation est nécessaire. Les Turcs sont prêts aux changements, et veulent rejoindre l’UE pour changer. Il sera plus facile de faire accepter toutes ces demandes si les négociations sont ouvertes.

Propos recueillis par Baptiste Legrand
(le jeudi 29 septembre 2005)

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