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Turquie : Les protocoles signés avec l’Arménie ne sont toujours pas ratifiés.

mardi 22 décembre 2009, par Jean Marcou

Les protocoles, qui doivent normaliser les relations turco-arméniennes, n’ont toujours pas été ratifiés par les deux pays. Au moment de leur élaboration et de leur signature (septembre-octobre 2009), c’est pourtant du côté arménien que les réticences paraissaient les plus fortes. Fortement critiqué par la diaspora, le président arménien, Serge Sarkissian, avait même dû aller à la rencontre de celle-ci, dans ses principaux pays d’établissement (France, Etats-Unis, Liban… ), pour essayer de la convaincre. Mais, au cours des dernières semaines, le gouvernement de l’AKP, qui gère de front actuellement plusieurs autres dossiers délicats (question kurde, différend chypriote, entre autres… ) s’est retrouvé sous la pression des voix qui, en Turquie et en Azerbaïdjan, lui reprochent d’avoir sacrifié sa traditionnelle solidarité avec Bakou à la normalisation de ses relations avec Erevan.

Du coup, c’est aujourd’hui l’Arménie qui se retrouve en position de force pour demander à Ankara de respecter ses engagements. « Nous espérons très fort que le parlement turc ne va pas prendre une décision qui conduirait à l’échec de nos accords. Si cela devait arriver, notre parlement déclarerait immédiatement les protocoles nuls et non avenus, et nous serions revenus à la case départ », a déclaré Tigran Sarkissian (photo), le premier ministre arménien, dans une interview au quotidien turc Hürriyet, la semaine dernière.

Pour comprendre le fond des débats en cours, il faut rappeler que ces protocoles reposent sur deux concessions réciproques auxquelles les deux parties ont consenti. Erevan a renoncé à exiger de la Turquie qu’elle reconnaisse le génocide de 1915, en acceptant qu’à l’issue de la ratification des protocoles une commission d’experts soit mise en place pour examiner les différends historiques qui opposent les deux pays. En retour, Ankara a accepté de disjoindre la normalisation des relations turco-arméniennes du règlement du conflit du Haut-Karabakh, qui oppose Arméniens et Azerbaïdjanais, et qui est à l’origine de la rupture entre la Turquie et l’Arménie devenue indépendante après l’implosion de l’URSS, en 1991.

La Turquie avait espéré que la signature des protocoles permettrait, si ce n’est de régler le conflit du Haut-Karabakh, du moins de le mettre sur la voie d’une solution. Lors de sa récente rencontre à Washington avec Barack Obama, Recep Tayyip Erdoğan a rappelé qu’un déblocage du dossier du Haut-Karabakh favoriserait une ratification des protocoles par le parlement turc. Pourtant, toujours dans l’interview qu’il a donnée à Hürriyet, le premier ministre arménien a estimé qu’on ne devait pas lier le dossier du Haut-Karabakh à la ratification des protocoles, car, selon lui, d’une part, la Turquie n’est pas un acteur suffisamment neutre pour jouer un rôle efficace dans le règlement du conflit qui oppose Arméniens et Azerbaïdjanais, et d’autre part, cela ne peut que gêner le rapprochement turco-arménien. En tout état de cause, Tigran Sarkissian a estimé que le règlement du conflit du Haut-Karabakh dépendait surtout de Bakou.

Le premier ministre arménien a aussi mis en garde Ankara, quant à un échec éventuel de la ratification des protocoles. « La Turquie devra expliquer à la société internationale pourquoi elle a fait échouer des protocoles qu’elle a signés. Sa crédibilité sera en jeu. Et l’on y regardera à deux fois avant de s’asseoir pour négocier à nouveau avec un tel pays », a prévenu Tigran Sarkissian, qui a par ailleurs souhaité que l’attitude de son peuple à l’égard des Turcs et de la Turquie change, « aussi difficile que cela puisse être. » Sans en faire une condition de la ratification des protocoles, il a aussi déclaré qu’une éventuelle reconnaissance du génocide aiderait la Turquie à assumer son passé et devenir un membre à part entière de l’Union Européenne.

Cette récente interview du chef de gouvernement arménien montre que la ratification des protocoles n’est pas encore acquise, et que les deux pays, tout en n’ayant pas abandonné l’espoir de faire aboutir le processus initié par la diplomatie du football, entendent aussi se prémunir contre son éventuel échec, en se rejetant mutuellement la responsabilité des difficultés qui empêchent l’aboutissement de l’accord conclu en octobre dernier. Espérons qu’un syndrome comparable à celui engendré par l’échec du plan Annan, sur le dossier chypriote, ne nuira pas au rapprochement spectaculaire entre la Turquie et l’Arménie.

JM

Article original de l’Ovipot

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Sources

Source : Ovipot, le 21.12.09

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