Gaz de France ne participera pas au projet de gazoduc Nabucco. Le secrétaire d’Etat français au commerce extérieur, Hervé Novelli, a confirmé lundi 18 février, au cours d’une visite en Turquie, que la candidature du gazier français n’était plus d’actualité. « La Turquie a pris une décision, a commenté le ministre. Cette exclusion est un choix politique. L’offre de GDF est donc retirée. Nous le regrettons. Techniquement et économiquement, elle avait pourtant toutes les chances d’être retenue. »
GDF et la France souhaitaient rejoindre le consortium dont fait déjà partie la compagnie nationale turque Botas. Mais Ankara y a opposé son veto, pour sanctionner des positions politiques françaises jugées offensantes, sur la question du génocide arménien ou de l’adhésion à l’Union européenne. À l’image de l’échec sur le dossier Nabucco, les entreprises françaises sont, depuis plusieurs mois, les victimes collatérales des positions de la France envers la Turquie. Les grands contrats lui échappent.
GDF est aussi candidat au marché du gaz de ville de la capitale turque, dont l’appel d’offres doit être lancé en mars ; le groupe français risque d’essuyer la même déconvenue que pour le gazoduc, et de laisser le champ libre à Gazprom. Et, surtout, le groupe Areva, candidat déclaré au juteux marché des centrales nucléaires turques, pourrait être écarté au profit du groupe américain Westinghouse, soutenu par la Maison Blanche et porté par un lobbying efficace.
Mais la situation est suffisamment préoccupante pour que la présidente du Medef, Laurence Parisot, appelle les patrons turcs à ne pas s’isoler : « Ne nous empêchons surtout pas de travailler ensemble. » Un message également porté par M. Novelli au cours de sa visite. « Il y a des divergences ponctuelles avec les Turcs, a-t-il reconnu, lundi. Mais c’est par le renforcement des relations économiques qu’on peut resserrer les liens politiques. »
Le dynamique marché turc (4,7 % de croissance en 2007) aiguise l’appétit des grands groupes et place la Turquie parmi les puissances économiques en devenir, comme le souligne le rapport Attali sur la libération de la croissance. La Turquie est devenue un acteur économique difficile à snober. « Areva est intéressé, confirme Gabriel Saltarelli, directeur régional du groupe français qui fait partie de la délégation patronale qui accompagne M. Novelli. On ne va pas laisser passer un pays avec un tel potentiel : 128 milliards de dollars d’investissements d’ici à 2020. Il y a du business pour tout le monde. »
Et c’est d’ailleurs dans une usine du groupe Areva que le secrétaire d’Etat français a débuté sa tournée, lundi matin. « Je viens soutenir Areva à un moment important », a-t-il clamé à la sortie de l’usine, située à la périphérie d’Istanbul.
Pour la première fois en 2007, les exportations françaises vers la Turquie ont régressé. La Turquie est même « un cas d’école » des faiblesses structurelles du commerce extérieur français, qui a affiché en 2007 un déficit record de 39 milliards d’euros. Car derrière les grands groupes, les PME tricolores restent rares à s’aventurer sur les rives du Bosphore. « Il y a un problème d’image en France, estime Esref Hamamcioglu, directeur de la branche turque de Sodexho, pour qui ce voyage de M. Novelli aurait pu être mieux préparé. On ne peut pas séparer le politique et l’économique quand les déclarations sur l’adhésion de la Turquie sont perçues comme des déclarations de guerre. En ce moment, à compétence égale entre deux entreprises, c’est toujours la française qui sera écartée. »