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L’AKP a choisi la solution militaire, hélas !

vendredi 7 mars 2008, par Ali Bayramoğlu

Courrier International / Yeni safak

Par le passé, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur au pouvoir), avait opté pour un dialogue avec les mouvements kurdes. Mais l’incursion guerrière menée en Irak du 21 au 29 février pour combattre le PKK montre qu’il privilégie l’option militaire. Le quotidien Yeni Safak , pourtant considéré comme proche des islamistes modérés, regrette ce tournant.

L’opération militaire lancée récemment par l’armée turque dans le Nord de l’Irak [elle s’est terminée ce 29 février] avait pour but annoncé d’accentuer encore un peu plus l’isolement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en tentant de réduire ses capacités tactiques. Il s’agissait aussi éventuellement de créer une nouvelle zone tampon. Cette opération de grande envergure lancée par la Turquie aura des conséquences multiples. Les relations entre la Turquie et l’Irak, de même qu’entre la Turquie et l’Union européenne (UE), en seront inévitablement affectées, si elles ne le sont pas déjà. Si la justification d’une telle opération est avant tout militaire, ses conséquences tant à l’intérieur qu’à l’extérieur seront néanmoins forcément politiques.

Cette incursion militaire suscite en effet déjà bon nombre de questions dont la principale est probablement celle-ci : la politique kurde du gouvernement turc va-t-elle désormais ne se résumer qu’à des actions militaires ? Le seul angle envisagé par rapport à la question kurde ne sera-t-il donc que de nature sécuritaire ? Juste après l’attaque du PKK [en octobre 2007] au cours de laquelle 12 soldats turcs avaient été tués, tandis que 8 autres étaient enlevés, le gouvernement avait suscité un certain espoir en adoptant une attitude semblant vouloir privilégier des solutions civiles à la question kurde. Mais, assez vite, le gouvernement est revenu aux bons vieux fondamentaux et à une attitude qui, pour le coup, faisait fi des aspects politiques et sociologiques de la question kurde en Turquie.

C’est ainsi que les mesures démocratiques en faveur des droits et des libertés, l’action diplomatique visant à améliorer les relations avec les Kurdes d’Irak, l’espoir d’arrangements légaux – parmi lesquels un projet d’amnistie, incitant le PKK à déposer les armes – sont tombés à l’eau. L’opération militaire en cours dans le nord de l’Irak illustre désormais crûment cette réalité.

L’Histoire récente a pourtant bien montré que le seul usage de méthodes sécuritaires était insuffisant dès lors qu’il s’agissait de résoudre des questions ethniques. On l’a vu aussi bien en Espagne qu’en Irlande du Nord. La Turquie elle-même est sans doute le pays qui a le plus d’expérience en la matière. La crainte, aujourd’hui pour elle, c’est que le parti au pouvoir, l’AKP, adopte finalement sans beaucoup de réticence l’idéologie officielle de l’Etat turc vis-à-vis de la question kurde, à savoir que celle-ci ne se résumerait finalement qu’à un problème de terrorisme et de sous-développement.

Dans ces conditions, il suffirait donc d’écraser les terroristes et de les couper de tout soutien régional, et la question kurde s’évaporerait comme par enchantement. C’est dans ces conditions que l’AKP espère pouvoir remporter les mairies de Diyarbakir, Van, Bitlis et Hakkari [villes à majorité kurde dans le sud-est anatolien, actuellement détenues par le Parti de la Turquie démocratique (DTP, prokurde)] lors des prochaines élections municipales [prévues en 2009]. Cette attitude naïve conjuguée à un réflexe nationaliste turc fait en réalité surtout perdre inutilement du temps et des vies à la Turquie.

Tout cela est vraiment dommage ! Comment en effet peut-on ne pas voir qu’un grand nombre de Kurdes de Turquie, y compris ceux qui sont opposés au PKK, ont, qu’ils le veuillent ou non, des « liens de parenté » plus ou moins éloignés avec les militants de cette organisation séparatiste ?! Comment peut-on ne pas comprendre que ce lien explique précisément la nature des réflexes identitaires, historiques et nationalistes des Kurdes de Turquie ?! Faut-il vraiment rappeler au Premier ministre que les différents soulèvements kurdes qui ont commencé dans les années 1830 et se sont poursuivis sans presque discontinuer jusqu’en 1937 ont forgé une identité politique ?! Y a-t-il besoin d’à nouveau expliquer qu’en 1978 [date de la fondation du PKK] commençait un nouveau soulèvement kurde qui n’a cessé de prendre de l’ampleur et qui dure maintenant depuis trente ans ?!

Il faudrait vraiment essayer de comprendre les Kurdes et de trouver un compromis. Sinon, des attaques se produiront à nouveau, provoquant leurs lots d’opérations militaires et de soldats tombés en martyrs au combat.

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Sources

Source : Yeni Safak, le 29/02/08

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