L’île de Chypre est divisée par une « ligne verte » depuis 1974, qui sépare la partie chypriote turque (au nord) de la partie chypriote grecque (au sud). Les tensions entre les deux communautés ont été souvent très vives, au cours des dernières décennies, et l’idée d’une réunification de l’île a longtemps semblé compromise. En 2003, dans la perspective de l’entrée de Chypre dans l’Union Européenne (UE), la mise au point d’un plan pour la réunification de l’île avait été confiée au secrétaire des Nations Unies, Kofi Annan. Si ce plan a été largement approuvé, lors du référendum de 2003, par les habitants chypriotes turcs de l’île (à 65%), il a été rejeté par 70% de ses habitants chypriotes grecs. Ces résultats n’ont pourtant pas fait obstacle à l’intégration de la partie sud de l’île dans l’UE, le 1er mai 2004 (alors que la réunification de l’île devait être une condition de son adhésion à l’UE).
La réunification est donc un enjeu très important, autant pour les Chypriotes grecs que pour les Chypriotes turcs, mais aussi pour la Grèce, la Turquie et l’UE. La question chypriote empoisonne les relations au sein de l’Otan, dont la Grèce et la Turquie sont toutes deux membres. Ces tensions se répercutent également sur l’UE, où le projet d’adhésion turque est compromis depuis l’entrée de Chypre, en 2004. La partition de l’île nuit enfin aux perspectives de rapprochement entre la Grèce et la Turquie.
Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle de ce dimanche 17 février 2008 sont réjouissants et porteurs de nouvelles perspectives. Les Chypriotes de la partie grecque de l’île (515 000 Chypriotes, dont 350 Chypriotes turcs) ont en effet été appelés à voter ce dimanche. On peut d’ailleurs noter que c’est la première fois que la communauté turque vivant sur la partie sud de l’île est autorisée à voter pour le scrutin présidentiel. La question de la réunification, en suspens depuis l’échec du référendum du 24 avril 2004, a été au centre de cette campagne électorale.
Avec un taux de participation de 89%, ce scrutin a pu prendre des allures de « deuxième référendum » concernant l’éventuelle réunification de l’île. Le président sortant, Tassos Papadopoulos, tenant d’une ligne dure sur le dossier de la division de l’île, a été éliminé au premier tour de l’élection présidentielle. Il avait appelé les électeurs à lui confier un nouveau mandat de cinq ans pour envoyer un message clair et affirmer haut et fort que les Chypriotes ne regrettent pas d’avoir rejeté le plan. "Il est très important que ce message soit envoyé ici à Chypre, mais aussi à l’étranger : le peuple chypriote (...) est seul maître de son destin », avait-il d’ailleurs déclaré, il y a quelques jours.
Le deuxième tour des élections aura donc lieu, le 24 février 2008, et opposera Iannis Kasoulides (droite) et Demetris Christofias (communiste). Le premier, député européen de 59 ans et ancien ministre des affaires étrangères, arrive en tête avec 33,51 % des voix. Il ne devance toutefois son rival, que de 980 voix. Iannis Kasoulides espère un approfondissement du rapprochement avec l’UE et veut encourager la réunification. S’il est élu, quant à lui, Demetris Christofias, souhaite ouvertement mettre fin à la partition de l’île. Il a notamment expliqué : « Notre aspiration est de réunifier ce pays et sa population, les Chypriotes grecs et turcs ». Pour régler un problème qui paraît aujourd’hui, à bien des égards, fossilisé, Demetris Christofias se dit favorable à une solution fédérale et préconise l’établissement d’un pays indépendant, démilitarisé et non aligné.
L’élimination du président sortant, Tassos Papadopoulos, marque donc indéniablement un renouveau. Il faudra certes attendre le deuxième tour de cette élection pour connaître le nom du nouveau président chypriote. Mais, d’ors et déjà, les résultats de ce premier tour ont fait naître l’espoir d’une relance des négociations pour la réunification de l’île.