BRUXELLES de notre bureau européen
Premier gros dossier de la rentrée pour l’Union européenne (UE), l’adhésion de la Turquie divise les Etats membres, à commencer par la Grande-Bretagne, qui la soutient, et la France, qui exprime de fortes réserves. L’ouverture des négociations est prévue pour le 3 octobre, mais les Vingt-Cinq doivent encore en définir les modalités. Les ministres des affaires étrangères se réunissent les jeudi 1er et vendredi 2 septembre à Newport (pays de Galles) pour en débattre. Les discussions porteront plus particulièrement sur deux points : le cadre de négociation proposé par la Commission pour fixer les principes, le contenu et les procédures qui serviront de guide aux pourparlers ; et la déclaration par laquelle le gouvernement turc a fait savoir que, tout en acceptant de signer le protocole étendant aux nouveaux Etats membres, dont Chypre, son accord d’association avec l’UE, il refuse toujours de reconnaître la République de Chypre.
C’est sur ce deuxième point que les controverses sont les plus vives. La signature du protocole était l’une des deux conditions, avec la réforme du système judiciaire, mises par les Vingt-Cinq à l’ouverture des négociations. Les lois réformant le système judiciaire sont entrées en vigueur le 1er juin et le protocole signé le 29 juillet. Mais les autorités turques ont aussitôt fait valoir que leur signature ne valait pas reconnaissance de la République de Chypre.
Cette question avait été au centre des débats du Conseil européen de décembre 2004, qui avait fixé la date du 3 octobre. L’intransigeance d’Ankara sur la question de Chypre avait failli faire capoter l’accord. Les dirigeants européens avaient finalement admis, en échange de la promesse de signature, que celle-ci représentait un pas important vers la reconnaissance de Chypre, mais non une reconnaissance formelle. Tout en souhaitant qu’Ankara reconnaisse Chypre le moment venu, ils avaient renoncé à faire de ce geste un préalable à l’ouverture des pourparlers.
« UN PROCESSUS OUVERT »
En revanche, le cadre de négociation proposé par la Commission précise que les efforts de la Turquie pour contribuer à un règlement global du problème chypriote et normaliser ses relations avec tous les Etats membres, y compris Chypre, seront un des facteurs dont dépendra l’avancement des discussions.
La déclaration d’Ankara n’a pas surpris la Commission, qui affirme être intervenue auprès des autorités turques pour en modérer le ton. Cette déclaration, estime-t-elle, ne remet pas en cause le protocole lui-même et ne ferme pas la porte à une future reconnaissance de Chypre. Françoise Le Bail, porte-parole de la Commission, souligne que la reconnaissance de Chypre ne constitue pas pour la Turquie « une obligation juridique » mais que les négociations d’adhésion auront lieu avec les vingt-cinq Etats membres, dont Chypre.
La France, qui demande des clarifications, n’est pas la seule à s’inquiéter de l’attitude de la Turquie. Chypre et la Grèce, partagent les réserves de Paris. Toutefois, dit-on à la Commission, leur intérêt n’est pas de contribuer à un blocage, mais plutôt d’utiliser les négociations comme un « levier permanent » pour faire pression sur Ankara.
Le chef de file de l’opposition allemande, Angela Merkel, successeur probable de Gerhard Schröder, considère aussi le comportement d’Ankara à l’égard de Chypre comme un obstacle à l’ouverture des discussions. L’Autriche, la Slovénie, la Hongrie, la Slovaquie, veulent lier le commencement des négociations avec la Turquie avec celui des négociations avec la Croatie, ajournées pour manque de coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye. Toutefois, comme l’indique le président de la Commission Jose Manuel Barroso, aucun pays n’a jusqu’à présent demandé le report des pourparlers.
L’autre point de l’ordre du jour, l’adoption du cadre de négociation élaboré par la Commission, devrait poser moins de problèmes. Le texte précise que l’objectif des négociations est l’adhésion, mais qu’elles constituent « un processus ouvert dont l’issue ne peut pas être garantie à l’avance » . Certains Etats, comme l’Autriche, ont souhaité que l’hypothèse d’un partenariat privilégié soit également mentionnée, conception qualifiée d’« illégitime et immorale » par le ministre des affaires étrangères turc Abdullah Gül. Mais le document se contente de dire qu’en cas d’échec l’Etat candidat doit être « pleinement ancré dans les structures européennes par le lien le plus fort possible ». Il indique aussi que les négociations pourront être suspendues en cas de « violation grave et persistante » de la démocratie et des droits de l’homme.
Article paru dans l’édition du 01/09/2005