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La sexualité en Turquie : Les femmes ont encore bien souvent honte

jeudi 1er mars 2012, par Mirjam Schmitt, Sevil Budak

Toutes les versions de cet article : [Deutsch] [français]

En Turquie les Sex-shops sont difficilement accessibles pour les femmes. Voilà pourquoi deux jeunes entrepreneurs ont crée le premier site de vente en ligne. Beate Uhse est leur modèle.

Dans le bureau de Selin Keleser et Sonay Onur situé dans le quartier de Beyoğlu à Istanbul, on trouve à coté du thé et des petits gâteaux, des vibro-masseurs, des godemichets et des sous-vêtements. Une sélection des meilleures pièces de leur site internet : il y a quatre mois Keleser et Onur ont fondé la premier sex-shop en ligne en Turquie, qui s’appelle Sihirli Dokunuşlar – « Contacts magiques ».

Sonntaz : Mme Keleser, Mme Onur, Dans votre sex-shop en ligne vous proposez surtout des Sex-toys pour les femmes. Pourquoi ?

Selin Keleser : En Turquie les Sex-shops ne sont réservés qu’aux hommes.

Sonay Onur : Et ils se trouvent dans des endroits très dangereux. Nous avons pour ainsi dire découvert une niche commerciale. Selin et moi avons commencé par faire des recherches sur des produits de valeur et par lire des rapports de test. C’est de là que c’est parti.

Comment aborde-t-on la sexualité en Turquie ?

Keleser : Dans les grandes villes comme İstanbul, certainement d’une manière plus détendue, mais dans les campagnes et en particuliers en Anatolie, le sujet reste un tabou. Surtout avant le mariage, les garçons peuvent parler de sexe, pour les filles la volonté d’en parler est étouffée dés la plus tendre enfance. Celui qui grandit dans une telle société ne peut pas parler ouvertement de sexualité plus tard, même avec ses amis les plus proches. Qu’est-ce que tu aimes dans le sexe ? Comment ça se passe pour toi et ton petit copain ? Ce genre de question fait honte.

Pensez-vous pouvoir changer cela avec votre site internet ?

Onur : Nous voudrions que les femmes vivent leur sexualité librement, qu’elles osent briser les tabous.

Keleser : Nous souhaiterions que les femmes prennent conscience de leurs corps et apprennent à le connaitre. Qu’elle sachent ce qui est sain pour elle et ce qu’elles aiment.

Pourquoi est-ce que le sexe reste encore un sujet tabou en Turquie ? Est-ce pour des raisons religieuses ?

Onur : Non. Culturelles.

Est-ce que votre génération aborde la question de la sexualité d’une manière différente par rapport à la génération précédente ?

Onur : D’une certaine manière. C’est plus facile pour la nouvelle génération de femmes en Turquie d’exprimer leurs idées. Les femmes d’aujourd’hui s’opposent aux contraintes ou obligations imposées par autrui et n’acceptent plus ce que disent les parents comme allant de soi.

D’ou proviennent les sex toys, que vous vendez en ligne ?

Onur : C’est très variable. Nous travaillons par exemple avec un grossiste des Pays Bas, nous avons aussi des sous-vêtements que nous importons des États-Unis.

Le téléphone sonne et Selin Keleser explique patiemment à la cliente que les produits sont emballés dans colis postaux neutres et que leur provenance n’est pas visible de l’extérieur.

Qui sont vos clients ?

Onur : Nous avons beaucoup de commandes de petites villes, notamment de l’Est. Nous ne nous attendions pas du tout à cela, nous pensions que ce serait surtout des personnes d’Istanbul, Ankara ou Izmir qui achèteraient chez nous. Soixante pour cent de nos clients sont des hommes. Nous vendons aussi des « masturbateurs » qui sont exclusivement conçus pour les hommes.

Comment réagissent les femmes à vos offres ?

Onur : Les femmes ont encore souvent honte. C’est pour cela que celui ou celle qui souhaite garder l’anonymat sans révéler son adresse peut faire expédier la marchandise à un bureau de poste. Résultat : Les commandes de femmes augmentent chaque jour. Elles veulent aussi en savoir plus, par exemple : quel est le bon vibrateur pour moi ?

Vous proposez aussi des services de conseil ?

Onur : Oui, nous avons un forum de discussion pour cela. De plus, nous prévoyons aussi d’ouvrir un blog interactif et voulons notamment travailler avec un médecin qui répondra aux questions de nos clientes.

Ces dernières années certains mots sont censurés dans les adresses internet. Par exemple le mot « cıplak » c’est à dire « nu » est interdit parmi beaucoup d’autres mots bloqués. Avez-vous déjà eu des problèmes de censure ?

Onur : Non, mais nous avions peur de cela. Il y a ce filtre familial…

… un filtre qui peut être installé sur l’ordinateur personnel afin qu’aucun contenu susceptible de heurter la morale n’apparaisse.

Onur : Notre page est totalement bloquée par ce filtre. Nous avons aussi des problèmes pour afficher de la publicité en ligne. Pour certains mots, Google n’autorise pas de publicité. Par exemple pour l’expression « éjaculation précoce » en turc. A vrai dire, la mise en service du site internet a été retardée à cause des banques.

Pourquoi les banques ?

Onur : La banque ne consentait pas à ce que l’on puisse acheter des vibromasseurs ou des « masturbateurs » en ligne au moyen d’une carte de crédit. Parce que nous vendons des produits qui à leurs yeux ne sont pas correctes. Nous n’avons absolument pas pensé au fait que cela puisse poser problème. Nous avons pris rendez-vous avec plusieurs autres banques dont de grandes banques. Après maintes discussions, ils ont accepté le site web.

Comment vos familles ont-elles réagi quand vous leur avez annoncé que vous teniez un sex-shop ?

Keleser : Cela n’a pas été facile à expliquer. Nous avons attendu de pouvoir leur montrer un exemple du site internet. Mais ensuite, ils ont réagi positivement.

Et pour la suite ?

Onur : Nous voulons mettre en place le service de conseil et ouvrir un magasin à Istanbul. Un Sex-shop dans un quartier chic et moderne. Pour que nos clients puissent enfin dire : Ici je n’ai pas honte quand je franchi la porte et suis vu.

Est-ce que vous vous considérez comme des pionnières à l’image de Beate Uhse ?

Keleser : L’histoire de Beate Uhse est impressionnante. En Allemagne, en Angleterre, sa marque est partout… Pourquoi n’y aurait-il pas quelque chose de similaire en Turquie ?

Onur : Elle a commencé par traiter des sujets liés à la contraception et ouvert à un moment donné sa propre boutique, elle ne s’est pas cachée comme nous derrière un site internet. Et cela dans l’Allemagne d’après guerre. C’était très très courageux de sa part. A vrai dire cela serait vraiment formidable de rester dans les mémoires comme une telle pionnière.

Traduction pour TE : Sevil Budak

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Voir en ligne : « Frauen schämen sich oft noch »

Sources

taz.de : 27.01.2012. (Voir l’article allemand sur ce site pour le lien vers l’article d’origine.)

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