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Ya sev ya terket

mercredi 26 avril 2006, par Marillac

Cocasse situation que celle où certains ténors du « débat » politique français semblent en proie à un léger et surprenant tropisme anatolien.« Ya sev ya terket ». « Love it or leave it » pour la formule US. « Aime-le ou quitte-le ». On l’aura compris, pour les références, s’en remettre aux grognards de la raison populo-nationalo-militariste.

- Militariste pour le style dans un premier temps : impératif bien trempé comme une claque ou un aboiement qui se voudrait définitif faute de jamais être péremptoire.

- Nationaliste (identitaire) pour les références ensuite : références implicites certes mais néanmoins évidentes - tel est le principe de la formule : « une illusion de réalisme » - tant le déni de la raison semble complet, raison à laquelle est préférée l’adhésion sentimentale, chaude, évidente et fusionnelle (« love it ») qui est celle que peut générer immédiatement, sans médiation - d’où l’impératif comme expression de l’urgence : urgence qui par un autre côté ne manque jamais de connoter la possibilité d’une menace et donc d’un besoin de protection - une communauté en son sein : nationale, ethnique, culturelle ou de tout autre nature encore.

- Populiste enfin pour deux choses : l’immédiate évidence indiquée plus haut puis le déni de tout dialogue et partant de la moindre exigence démocratique par le choix imposé de la non critique (aimer sans discrimination) ou du silence.

Voilà le genre de formules contre lesquelles les démocrates et la société civile turcs tentent aujourd’hui de lutter et de faire prévaloir l’ampleur et les raisons du débat démocratique, non sans succès mais non sans difficulté non plus, confrontés qu’ils sont à la surdité d’une classe politique qui, à moins d’un an d’échéances électorales capitales, s’enferre d’ores et déjà dans les contraintes, vieux réflexes et autres calculs. Un air de déjà vu ?

Quiconque connaît le chemin parcouru depuis 3 ou 4 ans dans ce pays, est aujourd’hui en mesure d’apprécier les pouvoirs et l’importance mais aussi toute la fragilité d’une parole libérée qui nécessite un soin des plus attentifs.

Est-ce d’ailleurs une coïncidence si ceux-là même qui, en France, se moquent comme d’une guigne de tous les espoirs que porte cette évolution en Turquie, se présentent aujourd’hui comme les plus actifs fossoyeurs d’une parole publique qu’ils réduisent au fameux « ya sev ya terket » ?

Est-il d’ailleurs si surprenant que la coalition des bêtises du monde entier s’opère sur des formules fonctionnellement similaires ? Non bien sûr, car toute bêtise sait parfaitement, même et surtout à son insu, qu’elle se nourrit d’elle-même et de celles des autres.

Comment oser encore parler de « rupture » lorsqu’on n’a de cesse de reproduire et de se complaire dans les plus vieux schémas du monde ?
En ayant la ferme conviction que, décidément, le ridicule ne tue pas. Surtout en politique.

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