« Les Français veulent savoir dans quelle Europe ils construiront leur avenir et quelles seront ses frontières. » A la veille du Conseil européen, Dominique de Villepin a voulu rassurer sa majorité, en reprenant à son compte l’argument développé par Nicolas Sarkozy et l’UMP tout au long de la campagne référendaire. Quitte à devoir assumer un discours qui n’est pas tout à fait celui que tient Jacques Chirac.
« Nous savons que la rapidité de l’élargissement, si elle a répondu à un véritable impératif historique, n’en a pas moins heurté beaucoup de nos concitoyens. ce sentiment s’est exprimé le 29 mai : nous devons en tenir compte », a affirmé le premier ministre, lors d’un débat organisé hier à l’Assemblée nationale.
Après avoir rappelé que les engagements pris à l’égard de la Bulgarie et de la Roumanie seraient « tenus » le premier ministre a ajouté : « Au-delà, nous devrons certainement ouvrir une réflexion avec nos partenaires, dans le respect de nos engagements, sur les modalités des élargissements futurs. » S’il n’a pas explicitement cité la Turquie, c’est évidemment à ce pays qu’il pensait.
« En l’absence d’institutions adaptées, la question du lien entre élargissement et approfondissement est désormais posée. Il appartiendra aux Européens d’en tirer ensemble les leçons au cours des prochains mois », a-t-il lancé alors que les négociations en vue d’une éventuelle adhésion doivent commencer en octobre prochain.
Samedi dernier, lors du conseil national de l’UMP, Nicolas Sarkozy était revenu à la charge sur l’adhésion d’Ankara, en se demandant s’il n’y avait pas « d’autres urgences » que d’ouvrir des négociations avec la Turquie, « une grande nation d’Asie mineure, pas d’Europe ».
Depuis plus d’un an, l’UMP défend une position clairement opposée à celle du chef de l’État, chaud partisan de l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Dès mai 2004, Alain Juppé étant encore président, le parti majoritaire avait voté une résolution réclamant la conclusion d’un simple « partenariat privilégié » avec Ankara, une solution rejetée par Jacques Chirac, qui avait préféré offrir aux Français la garantie qu’ils seraient consultés par référendum, « dans dix ou quinze ans ».
A l’Assemblée, Dominique de Villepin a, par ailleurs, rappelé la position française sur les deux questions inscrites à l’ordre du jour du conseil européen d’aujourd’hui : perspectives budgétaires de l’Union et avenir du processus de ratification du traité.
« Aux difficultés politiques, n’ajoutons pas de crises financières », a-t-il plaidé, souhaitant parvenir « à un accord raisonnable et équitable » sur le budget. Pour cela, « chacun doit faire une part de chemin », a-t-il lancé en direction, notamment, de Tony Blair, qui réclame un « réexamen » de l’ensemble du budget, au motif qu’il n’est pas « équitable ». (Voir nos éditions d’hier.)
Au-delà de ces questions, Dominique de Villepin a invité les députés à « dépasser le clivage » entre le libéral et le social. A ceux qui craignent que le modèle social et économique européen soit « purement libéral », ou ceux qui estiment que l’Europe « doit renforcer sa dimension sociale », le premier ministre a rétorqué : « En France, comme en Europe, la vérité est plutôt dans la fidélité à un héritage universaliste et humaniste. » Et le premier ministre de conclure : « Le vote du 29 mai a fixé une double exigence : défendre les intérêts de notre pays, en prenant en compte les inquiétudes des Français. Défendre l’unité et le rassemblement des Européens. »