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Un non pour changer

vendredi 3 juin 2005, par Valérie Lainé

RFI

Il y a dans les consultations, populaires par excellence, que constituent les référendums une part d’irrationnel. Celle-là même qui fait hésiter les dirigeants quand ils doivent choisir le mode de ratification. Pourquoi ne pas s’en tenir après tout aux parlementaires, censés mettre en sourdine les éléments de contexte, dépasser les situations particulières pour s’intéresser au collectif et se placer dans une perspective à plus long terme que les simples citoyens. Pourtant il est des sujets et des moments qui nécessitent ce rendez-vous direct avec les peuples. Car l’expression de leur ressentiment éventuel, même s’il est totalement déconnecté d’une analyse raisonnable du texte soumis à la consultation, en dit long sur l’état de la société.

En une semaine les non français et néerlandais ont ainsi ardemment réclamé une pause, dit que l’Europe allait trop vite et trop loin et quelquefois pas dans la bonne direction. Pour une fois qu’ils étaient consultés, les citoyens en ont profité pour critiquer ce que l’Europe a fait sans qu’ils soient d’accord et ce qu’elle n’a pas fait alors qu’ils le réclament. Du côté du trop plein, l’élargissement en une seule fois à dix nouveaux pays, la perspective de l’adhésion de la Turquie, l’introduction de l’euro avec ses effets de renchérissement des prix aux Pays-Bas ont alimenté les non même si ces sujets n’ont aucun rapport avec la constitution. A l’opposé, du côté du creux, l’absence d’Europe sur les dossiers du chômage, d’une gestion de l’immigration qui protège les identités nationales ou d’une adaptation rassurante à la mondialisation a suscité une autre forme de rejet basé sur le décalage des préoccupations entre gouvernants et gouvernés. Ou en tout cas sur le ressenti de ce décalage, alimenté par la sensation de ne plus contrôler la machine décisionnelle, d’être dissout dans la masse.
Paradoxalement le fait que justement la constitution commence à répondre à ces critiques ou en tout cas donne aux dirigeants politiques les moyens de le faire, en termes de démocratie, de transparence et d’efficacité, ne change rien à la donne. Pour les Français et les Néerlandais, il était trop tard. Le rendez-vous était manqué. L’échec pour les dirigeants est d’autant plus cuisant que la France et les Pays-Bas participent depuis le début à la construction communautaire. Il confirme l’effarant manque d’explication et de force de conviction de la part de ceux qui ont la responsabilité de devoir emporter l’adhésion populaire à chaque étape essentielle de l’intégration européenne. Comme s’ils y allaient pour les uns contraints et forcés, pour les autres portés par une évidence qu’ils oublient de faire partager.

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