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Turquie : Préparons-nous au patinage

mardi 17 juin 2008, par Ismet Berkan, Mehmet Akkus

Sans trop d’espoir mais avec un certain empressement, je me suis installé devant la télévision. J’ai d’abord regardé le président du Parti du Mouvement Nationaliste (MHP) Devlet Bahçeli, puis le premier Ministre Recep Tayyip Erdogan et pour finir le président du Parti Populaire Républicain (CHP) Deniz Baykal.

Le mardi est jour où les groupes politiques se réunissent, et les leaders lisent leurs discours hebdomadaires. Mon but était de pouvoir extraire des discours de ces personnes qu’on appelle leaders, des indices me permettant de faire des prédictions sur l’avenir.

Bahçeli et Erdogan partagent le même avis sur l’« état de crise » mais pas sur ses causes. Ces deux leaders sont de plus très opposés sur les voies pour sortir de cette crise. Le Premier Ministre discourt sans proposer de solution. Bahçeli dit en résumé que «  la modification de la Constitution n’est pas une solution ». Deniz Baykal, bizarrement, ne voit pas de crise et ne croit pas que la Cour constitutionnelle ait la volonté de restreindre le pouvoir du Parlement à écrire la Constitution. Tout comme Bahçeli, il ne veut pas qu’on touche à celle-ci.

Même si le Premier Ministre souhaite changer la Constitution, il le cache habilement.

Devlet Bahçeli a critiqué ouvertement la Cour constitutionnelle, comme l’a aussi fait le Premier Ministre, mais de manière plus détournée et sans rien proposer de nouveau, répétant des points de vue qui en dix ans ont été maintes fois écrits dans les journaux (puisque vous aviez des critiques concernant la Cour constitutionnelle pourquoi ne pas avoir fait le nécessaire lorsque vous aviez la majorité au Parlement ? Qu’avez-vous fait jusqu’à maintenant ?).

En résumé, je crains que ces politiques tentent de faire oublier ces sujets importants pour le pays et continuent de faire comme si de rien n’était. Mais ils n’y arriveront pas. Je ne parle pas de la dernière décision de la Cour constitutionnelle (interdiction du foulard dans les universités, NdT). Le plus important avec cette décision est que le risque d’interdiction de l’AKP s’accroît.

Mais en fin de compte, le plus important n’est pas que l’AKP soit fermé ou non. C’est que l’ouverture du procès en lui-même instaure une situation nouvelle. La place de la politique en Turquie se réduit et l’autorité des juges sur l’Etat augmente. Ce problème ne doit pas intéresser seulement le parti au pouvoir. Si un jour l’opposition espère accéder au pouvoir, cela la concernera aussi.

Seulement nous voyons que le parti au pouvoir tient l’opposition responsable de ce qui lui arrive tandis que l’opposition dit être convaincue que ce dernier souhaite installer la charia dans le pays. Ceci démontre qu’il n’y a aucun dialogue entre l’opposition et le pouvoir et que nous sommes encore très loin d’un début de dialogue.

Dans ce cas, il est impossible de résoudre la crise que je définissais ici même comme « le choc du système démocratique contre le mur ».
En réalité, l’AKP, malgré une majorité de 339 députés, a perdu toute capacité d’action ; et de ce fait je pense très improbable un coup d’Etat militaire.

Il n’y aura pas de coup d’Etat. Les politiques arriveront tout juste à se maintenir et le gouvernement des juges ne trouvera aucune solution.

Les conséquences sont claires : la Turquie tournera sur elle-même.

Alors, préparons-nous à vivre, comme dans les années 90, une période d’instabilité, avec de fortes probabilités de corruption, qui se ponctuera par une nouvelle crise. Préparons-nous donc à de nouveau tourner sur place pour un bon moment.

Suis-je trop pessimiste ?

Non, croyez moi, c’est loin d’être la pire de mes hypothèses.

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Sources

Source : Radikal, le 12 juin 2008

- Traduction pour TE : Mehmet Akkus

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