Il existe un proverbe qui dit : « Il faut attendre que ça casse pour améliorer ». Lorsque nous regardons notre système, on se dit qu’il s’est assez détérioré, que nous avons touché le fond dans beaucoup de domaines et que nous avons plus qu’à attendre. Notre espoir est vain.
Hier, notre Etat major a eu un coup de colère. J’ai très peur de ses coups de sang. Les courroux de notre prestigieuse et puissante institution sont très fréquents. Les exemples dans le passé nous sont bien connus. Dans leur dernière déclaration il est dit : « Que ceux qui s’attaquent aux forces armées ainsi qu’à leurs représentants auront à nouveau à rendre des comptes (répondre) devant la justice. »
Depuis le mémorandum des forces armées du 27 avril 2007, les données ont beaucoup changé en Turquie. Nos éminents spécialistes ont averti que « si les militaires ont lancé un mémorandum cela ne restera pas sans suite ». Les électeurs, à croire qu’ils n’ont pas saisi la teneur de cet avertissement, ont, le 22 juillet 2007, amené au pouvoir le parti de l’AKP avec une confortable majorité.
Une nouvelle situation indigeste est apparue avec l’élection par le Parlement du nouveau Président Abdullah Gül, malgré la condition du quorum imposé par la cour constitutionnelle. Comme si ça ne suffisait pas, le Parlement a voté le changement de la constitution, avec 411 voix, qui autorise le port du voile dans les universités.
La réaction de la partie adverse n’a pas tardé. Une procédure judiciaire d’interdiction de l’AKP a été entamée, la privation de vie politique de beaucoup de cadres de l’AKP y compris celle du Président de la République et du Premier Ministre a aussi été demandée.
L’AKP s’est trouvé dépourvu face à toutes ces attaques. Peu importe la majorité qu’ils pouvaient avoir, il ne leur étaient plus possible de changer la constitution, parce que la cour constitutionnelle s’était exclusivement arrogé le droit de la modifier ou pas.
L’AKP coincé. Et l’opposition ?
L’AKP se trouvait bloqué, mais la situation de la partie adverse n’était pas meilleure. Il était certain que l’AKP allait être interdit. Mais après, que se passerait-il ? Deux possibilités : des élections partielles ou bien des élections anticipées. Le CHP est déjà dans l’inquiétude d’une élection anticipée. Baykal, ayant perdu tout espoir de la part des électeurs, se montre farouchement opposé à la perspective d’une élection anticipée. Finalement, les opposants à l’AKP sont dans l’impossibilité de trouver la moindre solution. L’éventualité qu’un nouveau parti, issu de l’AKP, se retrouve majoritaire au Parlement est très probable.
Dans la Turquie d’aujourd’hui, nous voyons que les conditions ne sont pas réunies pour une action militaire. Les limites de l’intervention des juges sont là. Dans ce cas, nous devons accepter qu’il n’y ait pas d’autre solution qu’une normalisation de la vie politique et la poursuite de la démocratisation.
Nous devons chercher la solution dans la démocratie. La solution commence par accepter le choix du peuple. Seulement voilà, une question fondamentale se pose dans les démocraties d’aujourd’hui : le droit des minorités. La démocratie est intransigeante sur le respect des droits des minorités par la majorité.
Les forces qui souhaitent maintenir le système dans le carcan du 12 septembre (coup d’état du 12 septembre 80, NdT), doivent à présent admettre qu’ils n’ont pas d’autre choix que de retourner dans les fonctions qui sont les leurs. Ils doivent comprendre que la volonté de maintenir sur pied des institutions archaïques du type du 12 septembre, dans une Turquie qui est beaucoup plus attachée qu’auparavant aux valeurs démocratiques, n’est plus possible. S’ils ne le font pas, la vie se chargera de leur faire admettre.
C’est ici que nous verrons si, une force politique qui s’appuie sur la majorité, a une réelle volonté démocratique ou pas. Seule la démocratie peut nous libérer de ce danger.
Il n’y pas d’autre choix que plus de démocratie et moins de militaire.
Le fait que arrivions à débattre, dans des conditions aussi équitables, des militaires, des juges et des politiques, peut être considéré comme un signe de bonne santé. Que nous puissions critiquer chaque institution devant l’opinion publique et qu’elles soient amenées à rendre des comptes, montre que progressons dans la bonne voie. Nous pouvons dire que c’est situation saine.
C’est pourquoi l’absence de solution amènera la solution. Tôt ou tard.