Les députés européens ont exigé mercredi qu’Ankara reconnaisse, préalablement à son accession, le génocide arménien de 1915 et durci le ton sur Chypre. La réaction de l’UDF Marielle de Sarnez, défavorable à l’adhésion de la Turquie.
Bruxelles (UE) De notre correspondant
Le Parlement de Strasbourg a exigé aujourd’hui par 356 voix contre 181 et 125 abstentions, qu’Ankara reconnaisse, préalablement à son accession, le génocide arménien de 1915 et a ajourné, par 311 voix contre 285 et 63 abstentions, son « avis conforme » sur le protocole étendant l’accord d’union douanière entre la Turquie et l’UE aux dix nouveaux Etats membres pour signifier que son refus de reconnaître la République de Chypre n’était plus acceptable. Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a mal pris ce double vote en laissant planer le doute sur sa présence à Luxembourg lundi prochain, date de l’ouverture officielle des négociations d’adhésion.
Marielle de Sarnez, députée européenne (UDF, groupe démocrate et libéral), qui a pris la tête du combat contre l’adhésion de la Turquie, répond aux questions de Libération.fr.
S’agit-il d’un revirement du Parlement européen sur la question turque ?
Sans aller jusque-là, il est clair que le Parlement se montre désormais plus prudent. Ainsi, en décembre 2004, il avait refusé de faire de la reconnaissance du génocide arménien un préalable à l’adhésion. Sur la question de Chypre, l’un des Etats membres de l’Union, les députés européens ont aussi durci le ton après la déclaration unilatérale d’Ankara de juillet dernier dans laquelle elle précise que l’extension à Chypre de l’accord d’Union douanière ne vaut pas reconnaissance de cette République. Il n’y a désormais plus de majorité au sein du Parlement en faveur de l’adhésion de la Turquie. Or je rappelle que nous devrons la ratifier à l’issue du processus. Après le double non français et néerlandais à la Constitution, les parlementaires ont manifestement pris conscience qu’une pause dans les élargissements devient nécessaire.
L’UMP et l’UDF sont vent debout contre cette adhésion. Pourtant Jacques Chirac y reste favorable.
Le Président de la République n’a jamais eu de majorité politique en faveur de l’adhésion de la Turquie. S’il y avait eu un vote à l’Assemblée nationale lors du débat organisé en décembre 2004, juste avant que le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement ne décide d’ouvrir les négociations le 3 octobre, on l’aurait constaté. Ce refus de voir la réalité a pesé lourd dans le résultat du référendum car c’est à ce moment-là que les Français ont découvert la réalité de l’élargissement.
Il reste que les négociations s’ouvriront bien comme prévu...
Cela ne fait malheureusement aucun doute. Simplement le Parlement européen a tiré la sonnette d’alarme. Car on nous raconte des histoires sur ces négociations : elles ont bien lieu en vue de l’adhésion et non pour conclure un quelconque « partenariat privilégié ».
Mais les Français se prononceront par référendum sur l’adhésion de la Turquie et à l’heure actuelle il n’y a aucune chance que la réponse soit positive.
Le référendum est une idée dangereuse car les Français risquent de porter seuls la responsabilité d’une non adhésion de la Turquie. Le seul moment pour dire non, c’est maintenant.
Jack Straw, le chef de la diplomatie britannique, a affirmé ce mercredi que ce serait une « énorme trahison des espoirs et des attentes du peuple turc et du programme de réformes du premier ministre (Erdogan) si, à ce moment crucial, nous tournions le dos à la Turquie ».
Cette adhésion sera surtout une énorme trahison vis-à-vis de l’Europe politique. Cette fuite en avant remplace tout projet, toute vision, toute perspective.