Trois jours après le non français à la Constitution européenne, les Pays-Bas ont dit à leur tour non à plus de 63 %, selon une première estimation à la clôture des urnes de l’institut de sondage Interview/NSS, mercredi 1er juin. Le rejet du texte par référendum est encore plus fort que celui des Français.
A 2 1heures, au moment de la fermeture des bureaux de vote, le taux de participation s’établissait à 62 %, soit largement plus que le seuil au-delà duquel les principaux partis ont dit vouloir tenir compte de ce référendum consultatif.
Quelque 11, 6 millions de Néerlandais étaient appelés aux urnes, et ils avaient jusqu’à 21 heures pour voter. « J’ai voté non car je n’ai pas confiance dans le gouvernement », déclare un retraité de 65 ans dans un bureau de vote du centre d’Amsterdam. Il se dit aussi mécontent de l’élargissement de l’UE à 25 pays, refusant notamment « les Polonais, à 98 % très catholiques et superstitieux ». Gérante d’un « coffee shop » à Amsterdam, débit légal de vente de marijuana et de haschisch, Patricia Nederveld, ira voter non « parce que tout est devenu plus cher » avec l’euro.
Le référendum, le premier à l’échelle nationale en quelque 200 ans d’histoire moderne du royaume, est consultatif. Mais la plupart des partis politiques ont indiqué qu’ils respecteraient le résultat si la participation excédait les 30 %. Et les sondages estiment le taux de participation entre 45 % et 50 %.
LE GOUVERNEMENT NE DEVRAIT PAS TOMBER
Ce non ne fera toutefois pas tomber le gouvernement de La Haye, à la différence de ce qui s’est passé à Paris mardi. En effet, quelque 80 % des élus soutiennent le oui, et c’est le parlement, contre l’avis du gouvernement, qui est à l’origine du référendum. La campagne n’a démarré qu’il y a environ trois semaines, lorsque les sondages ont révélé un fort rejet du texte. Mais à la néerlandaise, discrètement.
Selon les sondages, les Néerlandais redoutent une dissolution de leur petit pays dans l’Europe élargie, et une intervention de Bruxelles sur des dossiers comme la politique libérale en matière de drogues douces, le mariage ouvert aux homosexuels ou l’euthanasie autorisée sous condition.
Ils voient une preuve de la malhonnêteté des politiques dans l’aveu de l’ancien directeur de la Banque centrale néerlandaise selon lequel le florin avait été sous évalué par rapport au deutschemark lors du passage à l’euro. Cela confirme l’opinion des consommateurs sur la hausse des prix. En outre, les Néerlandais sont les plus gros contributeurs nets au budget de l’UE.
Parmi les autres raisons du non figurent la crainte de l’étranger et une possible adhésion de la Turquie. Le camp hétéroclite du non rassemble les protestants les plus rigoristes, les populistes, le Parti socialiste, petite formation très à gauche, et le député d’extrême droite Geert Wilders, soit 22 des 150 sièges du parlement.
« L’HEURE DE VÉRITÉ »
« Les citoyens sont devant un choix historique », titrait aujourd’hui le quotidien chrétien centriste Trouw. C’était « l’heure de vérité », pour le journal centriste Algemeen Dagblad. Le premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende a lancé mardi soir un ultime appel à ses compatriotes pour qu’ils votent « oui pour faire progresser l’économie ».
« L’avenir des Pays-Bas est en Europe », a répété à la télévision M. Balkenende, disant « comprendre » les craintes d’une partie de ses compatriotes sur la perte d’influence des Pays-Bas au sein d’une Union à 25 pays, mais ne pas la partager. Dimanche soir, après le non français, M. Balkenende avait déclaré que « les Néerlandais ne doivent pas prendre de leçon des Français, ils doivent faire leur propre choix ». Mais l’impopulaire gouvernement Balkenende (19 % de satisfaits), ainsi que les « technocrates de Bruxelles » sont des épouvantails brandis par les partisans du non.