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Le verrou américano-iranien

mardi 10 février 2009, par Marillac, Murat Yetkin

Nous avons récemment été les témoins de deux évolutions significatives susceptibles de faire évoluer l’équation des rapports de force au Moyen-Orient.

Dans l’ordre. Ce fut d’abord le 3 février la mise en orbite du premier satellite iranien : Umit (espoir). Tout aussi important si ce n’est plus que ce satellite mis en orbite lors du 30e anniversaire de la Révolution Islamique, est l’engin qui servit à le porter là haut. Parce que de source iranienne, la satellite a été transporté dans l’espace par une fusée Safir-2 de conception iranienne. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont manifesté leurs inquiétudes. Et ces inquiétudes s’appuient sur l’hypothèse selon laquelle une fusée capable d’atteindre l’espace est tout aussi capable d’atteindre n’importe quel point sur la planète. Comme, bien entendu, de servir de vecteur à une arme et pourquoi pas une arme nucléaire. Lorsqu’en 1957 les Soviétiques ont lancé la course à l’espace avec le Spoutnik, ils prouvèrent par la même occasion qu’ils disposaient d’une fusée balistique intercontinentale (ICBM). Il est nul besoin de préciser en quoi et combien une telle perspective iranienne peut alarmer Israël. L’Iran indique en envoyant son satellite qu’il n’interfère plus seulement dans l’équation israélienne mais qu’il faut l’accepter comme une acteur quittant la scène régionale pour se hisser au niveau global. Durant l’opération israélienne sur Gaza qui a indigné le monde entier, l’Iran est resté silencieux. Il s’est efforcé d’assurer le calme d’organisations comme le Hezbullah ou le Djihad Islamique dont on connaît la « réactivité ».

Il s’est ainsi préservé de toute provocation pouvant venir d’Israël. Il a également fait comprendre qu’il attendait le jour des premières discussions comme un interlocuteur sérieux à une administration Obama qui manifeste son intention de discuter. Il s’agit en fait de dire : mon interlocuteur est américain et en aucun cas Israélien. Aujourd’hui alors que la situation semble être sur la voie d’une « normalisation » à Gaza et que nous sommes à moins d’une semaine des élections générales israéliennes, Téhéran vient de sortir l’atout qu’il avait encore dans la manche.

Deuxième évolution. Le 4 février, les Etats-Unis ont décidé d’inclure le PJAK (branche iranienne du PKK, NdT) en tant que branche iranienne du PKK sur leur liste des organisations terroristes. C’est le ministère américain du Trésor qui l’a annoncé, ceci signifiant immédiatement le placement sous contrôle des trafics financiers et des comptes bancaires liés à cette organisation. C’est un développement qui a réjoui Ankara. Mais pas moins Téhéran… Le fait que les USA considèrent le PKK comme une organisation terroriste mais pas le PJAK ouvrait la voie à des doutes quant à l’attitude des USA dans les zones sous contrôle de la Turquie et de l’Iran. On pensait que le PJAK était utilisé comme un élément de déstabilisation en Iran par les USA et donc que ceux-ci n’étaient pas sincères dans leur volonté de lutter contre le PKK. Washington s’arrange donc pour offrir cette garantie à Téhéran.

La Turquie et la « rue arabe »

Maître en échecs et en diplomatie, l’Iran a commencé de récolter les fruits de sa patience et de sa mesure tout au long de l’opération menée à Gaza.

Mais dans ce tableau, il est encore d’autres éléments. La Turquie qui n’a pas su montrer durant la même crise la patience de l’Iran a gagné une nouvelle position ainsi qu’un nouvel atout.
C’est tout particulièrement la sortie de Tayyip Erdoğan et la « dispute » qu’il a eue avec Shimon Peres à Davos qui a mis la « rue arabe » en mouvement. Cette rue arabe a su paradoxalement trouver chez l’un des meilleurs alliés d’Israël ce qu’ils n’ont pas trouvé chez eux et chez leurs leaders. Cette rue encore qui, en d’autres temps, se tournaient vers des cercles et des mouvances pouvant toucher jusqu’à Al-Qaida, se tourne vers la Turquie, un pays qui se voit et se définit comme un maillon de l’occident.

C’est sans doute avec ce vent qui souffle dans les voiles de la Turquie qu’une délégation turque s’est envolée hier pour Damas afin de faire libérer le soldat israélien Gilad Salit retenu par le Hamas.
Et si une telle libération venait à se produire, notamment au lendemain des élections israéliennes du 10 février, cela pourrait être tenu pour un succès important. Quant à ce qui pourrait vraiment infléchir le jeu diplomatique tout entier, il ne peut être envisageable que si Mahmud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne en visite hier à Ankara se laisse convaincre d’inviter le Hamas à la table des négociations avec Israël. Une telle évolution orienterait les rapidement les équilibres de la région dans le sens de la recherche d’un accord. Comme il renforcerait encore le rôle de la Turquie.

Si nous revenons à notre premier sujet et que nous réfléchissons à de possibles initiatives prises sur l’axe irano-américain, nous pouvons attendre une ouverture sur la question de la loi d’Amato qui limite les investissements étrangers en Iran dans le domaine de l’énergie. Ce qui pourrait signifier la refonte de tous les équilibres régionaux dans le domaine de l’énergie . Il est sûr que certaines puissances régionales ne se réjouissent pas d’une telle évolution, mais c’est aussi la raison pour laquelle nous sommes au seuil de profonds bouleversements. Et ces bouleversements ne seront pas sans conséquence sur les équilibres internes propres à chaque pays de la zone.

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Sources

Source : Radikal, le 07/02/2009

Traduction pour TE : Marillac

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