Seule l’Autriche tente encore d’obtenir que l’on propose à la Turquie une formule alternative à l’adhésion pleine et entière à l’Union européenne comme but final des négociations qui doivent s’ouvrir lundi prochain.
Les ambassadeurs des 25 pays de l’Union européenne se retrouvent jeudi dans l’espoir de parvenir à un accord sur le mandat de négociation, c’est-à-dire les objectifs de l’UE dans ces pourparlers, mais Vienne fait durer le suspense.
« L’Autriche insiste pour qu’il y figure une alternative à l’adhésion sous la forme d’un partenariat privilégié », explique un diplomate, selon lequel le dossier devra probablement être traité dimanche par les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq, à la veille de l’ouverture des négociations.
Pour les 24 autres pays, la voie est désormais libre après l’adoption la semaine dernière d’une déclaration dans laquelle l’UE souligne que la Turquie devra reconnaître Chypre, pays membre de l’Union, avant son adhésion, ce qu’elle refuse pour l’instant.
Ils acceptent la formulation approuvée à l’unanimité en décembre 2004 par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE - y compris, donc, par le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel.
« L’objectif commun des négociations est l’adhésion. Ces négociations sont un processus ouvert dont l’issue ne peut pas être garantie à l’avance », peut-on lire dans le projet de cadre de négociation que ces 24 pays sont prêts à accepter.
Si les négociations ne sont pas couronnées de succès, Ankara devra être « pleinement ancré dans les structures européennes par le lien le plus fort possible », ajoute ce document qui évoque aussi la « capacité d’absorption » de l’Union européenne.
L’Autriche et les démocrates chrétiens du Parlement européen souhaitent que l’on dise d’ores et déjà quelle serait ce « lien » même s’ils n’insistent plus désormais sur une formule précise, comme le partenariat privilégié.
C’est toutefois leur préférence et cette revendication se heurte à deux obstacles principaux, soulignent les diplomates.
La Turquie, dont le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gul sera à Luxembourg lundi, a clairement fait savoir qu’elle claquerait la porte si l’on parlait de solution alternative.
UN LIEN AVEC LA CROATIE
« Pour les Turcs, c’est inacceptable », rappelle un diplomate, selon lequel cela fait 40 ans, depuis la signature de l’accord d’association entre la Communauté européenne et la Turquie, en 1963, que les deux parties sont des partenaires privilégiés.
Il faudrait ensuite définir ce que l’on entend par là, sachant que l’UE a un « partenariat stratégique » avec la Chine : peut-on mettre les deux pays sur le même plan, ou presque ?
L’Autriche est désormais totalement isolée au sein de l’UE - même le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, qui partage sa position, a mis une sourdine à ses revendications lors du récent Congrès de son parti - et les responsables européens ont bon espoir de la faire plier avant l’ouverture des négociations.
L’impression générale à Bruxelles est que les responsables autrichiens entendent montrer à leur opinion publique qu’ils se battent jusqu’au dernier moment pour obtenir gain de cause.
Vienne espère aussi utiliser le levier turc pour obtenir l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Croatie.
Mais sur ce point, tout dépendra du rapport du procureur général du TPIY, Carla del Ponte, sur les mesures prises par la Croatie pour retrouver l’ancien général Ante Gotovina, accusé par le tribunal de La Haye de crimes de guerre.
Del Ponte se rendra à Zagreb vendredi et transmettra ensuite son rapport aux Vingt-Cinq, qui l’étudieront dimanche au sein d’une commission chargée de procéder à cette évaluation.
Si cette commission présidée par le secrétaire britannique au Foreign Office, Jack Straw, conclut que Zagreb coopère pleinement avec le Tribunal pénal international, les ministres des Affaires étrangères de l’UE pourraient décider d’ouvrir immédiatement des négociations d’adhésion avec Zagreb.
Mais personne n’y croit à Bruxelles, où les responsables assurent qu’ils ne transigeront pas sur la coopération avec le TPIY, l’arrestation de Gotovina ayant « vertu d’exemplarité pour l’ensemble des Balkans ».
Del Ponte affirme que l’ancien général, considéré par certains Croates comme un héros de l’indépendance de leur pays, bénéficie d’un réseau de soutien catholique dans son pays, où il serait selon elle caché dans un monastère franciscain.
mardi 27 septembre 2005 -