Les négociations pour la réunification de Chypre, séparée depuis 1974 entre les communautés et les pouvoirs turc et grec, doivent reprendre le 28 février 2006 à Paris. La presse de la région juge les chances que ces discussions aboutissent.
« Le chef de l’administration chypriote grecque », tel que le quotidien turc Zaman qualifie le président chypriote grec Tassos Papadopoulos, a fait savoir que « le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan avait accepté les trois conditions que Nicosie juge nécessaires pour qu’une solution à la question chypriote puisse être trouvée ».
« Ces trois solutions sont : pas d’arbitre dans les négociations, pas de calendrier contraignant, et un référendum pour valider le tout », relève Zaman, qui rapporte que, selon Papadopoulos, « le rôle de l’ONU a été négatif depuis le début dans les efforts de paix à Chypre ». Le président chypriote grec accuse en bloc l’ONU, les Etats-Unis et l’Union européenne d’être de parti pris et de soutenir davantage les thèses turques que grecques. Selon le dirigeant, « le plan Annan pour Chypre est pour l’essentiel ce qui a précipité l’île dans la division », car « ce plan donne son aval à toutes les demandes des Turcs, à part sur la question de la reconnaissance de l’île ».
Même la nouvelle ministre grecque des Affaires étrangères ne trouve pas grâce aux yeux de Tassos Papadopoulos, note le quotidien grec I Kathimerini « Le remaniement ministériel de la semaine dernière a porté au ministère des Affaires étrangères l’ancienne maire d’Athènes Dora Bakoyannis », explique le journal athénien, qui ajoute que « le gouvernement chypriote grec voit d’un mauvais �il cette arrivée à cause de la dispute entre elle et Tassos Papadopoulos à l’époque du plan de réunification de l’île proposé par les Nations unies et rejeté par la majorité des Chypriotes ».
Cela dit, poursuit I Kathimerini , « Dora Bakoyannis est bien consciente que la politique étrangère est l’apanage du Premier ministre Costas Karamanlis et qu’elle ne gérera pas les deux dossiers sensibles de l’agenda grec, à savoir les relations avec la Turquie et le cas de Chypre. Ces dossiers resteront dans le giron du Premier ministre. »
Sur l’île, le quotidien Cyprus Mail espère que le dossier de la réunification va enfin avancer. « La manière dont les Chypriotes grecs ont abordé la question de Chypre dans l’histoire récente est une sorte de manuel de tout ce qui ne doit pas être fait en matière de politique et de stratégie de négociation. Notre faiblesse dans ce secteur est l’une des preuves les plus évidentes de l’immaturité politique de notre société durant la période coloniale et pendant une longue période après l’indépendance. Le fait que nos leaders soient nés pour la plupart à la fin de l’époque coloniale explique leur manque de pragmatisme. »
Le quotidien conseille vivement aux Chypriotes grecs d’accepter la réalité géopolitique et de reconnaître que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont engagés dans un délicat exercice de jonglage entre les intérêts grecs et turcs. « L’objectif de l’Occident est de se débarrasser de Chypre comme facteur de déstabilisation des relations gréco-turques, en raison du danger qu’une guerre entre les deux pays ferait peser sur l’alliance occidentale. Tant que nous n’aurons pas intégré cela et formulé nos propres politiques sur la base de nos intérêts particuliers et de ce qui est réalisable dans les limites imposées par la géographie et la politique internationale, nous ne serons pas capables de jouer le jeu diplomatique dans les règles de l’art. »
Pour le quotidien anglophone, qui compte parmi ses lecteurs traditionnels le corps diplomatique et les intellectuels, « l’objectif des Chypriotes doit être de trouver un terrain commun où chaque communauté peut préserver son identité et sa culture sous l’autorité d’un pouvoir fédéral reconnu par tous et dans l’intérêt de tous ».
Eric Glover