Un total de 95 journalistes et 35 distributeurs ont passé la Journée de la Liberté de la Presse, ce 24 juillet, derrière les barreaux. Celle-ci marque cette année la publication du premier journal non censuré en Turquie il y a 104 ans. Les Cours ont aussi condamné 24 personnes, incluant six journalistes, à un total de 91 années, 9 mois et 18 jours de prison, ainsi qu’à verser des amendes s’élevant à un total de 40 000 lires turques (soit 18 250 €) durant la même période en connexion avec des délits stipulés dans les tristement célèbres Lois De Répression du Terrorisme (TMK).
A la même période de juillet 2011, ce sont quelques 68 journalistes qui avaient résidé dans les prisons de Turquie. Les cours avaient distribué des sentences totalisant 44 années et 8 mois de prison, tandis que les procureurs en avaient requis 223 pour les accusés.
Les journalistes sont descendus dans la rue et se sont rassemblés à proximité des tribunaux pour montrer leur solidarité avec leurs collègues et s’opposer à leur situation désespérée.
Le Troisième paquet de Réforme Judiciaire soumis par le gouvernement suite aux réactions extrêmement négatives et qui a introduit une amnistie conditionnelle pour les délits liés à la presse a alimenté les débats publics jusqu’à sa ratification le 2 juillet. Les associations de journalistes, cependant, ont émis des réserves et soutenu que la législation ne résoudrait pas les problèmes fondamentaux afférent à la liberté d’expression en Turquie, elle semble par exemple insuffisante pour empêcher les tribunaux de qualifier certains délits de presse d’ « actes de terrorisme » et leurs conséquences que sont les mises en détention et les arrestations arbitraires.
Tout au long des procès et des enquêtes, les autorités ont de façon persistante confronté les 95 journalistes et les 35 distributeurs à des allégations concernant leurs implications présumées dans des « organes de presse du Parti hors la loi des Travailleurs du Kurdistan (PKK) » basant leurs accusations sur des « preuves » telles que « faire des reportages », « écrire un livre », « être engagé dans un journalisme critique envers le gouvernement », et « travailler pour les médias kurdes ».
Des journalistes et des distributeurs doivent faire face à des inculpations pour avoir commis des délits et/ou d’avoir aidé intentionnellement et soutenu le PKK sans en être membres. D’autres journalistes passent aussi en jugement sous inculpation de création d’une organisation armée ou non armée, de la diriger ou d’en être membre, une partie d’entre eux ont d’ailleurs été condamnés pour ces motifs.
Les directeurs de la rédaction de Azadiye Welat, Vedat Kurşun, Ruken Ergün et Ozan Kılınç, ainsi que Bedri Adanır, le propriétaire de la maison d’édition Aram et le rédacteur en chef de Hawar, sont les seuls journalistes à passer en jugement directement à cause des reportages, commentaires et livres qu’ils ont écrit.
Les Autorités ont cité une pléthore de raisons pour garder les suspects sous les verrous, parmi lesquelles « doute à propos d’une évasion [probabilité que les suspects s’enfuient] », « possibilité de destruction, camouflage ou falsification des preuves », « suspicion de risque de pression sur les témoins », « une très forte présomption que l’infraction aie été commise » et le fait que les infractions attribuées aux suspects soient mentionnées dans l’article 100 du Code de Procédure Criminelle (CMK).
La Rapport sur la Liberté d’Expression et la Surveillance des Médias de Bia pour Avril, Mai, et Juin 2012, est résumé dans ses titres « Procès/meurtres de journaliste », « Journalistes emprisonnés », « Les distributeurs et leurs employés », « Relaxes », « Attaques, menaces et obstructions », « Enquêtes, décisions, nouveaux et futurs procès », « Procès contre les hommes politiques kurdes », « Articles 285-288 du TCK (Code Pénal Turc) », « Actions en diffamation, en faveur des droits de la personne et compensations », « Décision du conseil du premier ministre pour la protection des mineurs contre les publications obscènes », « Interdictions, suspensions, confiscations », « Décisions du CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) et du Haut Conseil de la Radio et de la Télévision (RTÜK) ».
Les rapports relatent des procès afférents aux articles 215, 220, 285, 288 et 314 du TCK, en insistant sur le nombre de journalistes en prison, la longueur de leurs détentions ou arrestations, sur les investigations et procès contrevenant à la liberté d’expression et sur l’article 7/12 du TMK que les autorités emploient fréquemment pour restreindre la liberté d’expression et la presse.
Lors des procès, l’article 7/2 du TMK est aussi souvent complété de l’article 220/7 du TCK (« soutien à une organisation terroriste sans en être membre ») et de l’article 314/2 du TCK (« appartenance à une organisation terroriste armée »).
91 ans et 9 mois de prison pour violation du TMK
Les tribunaux ont condamné 24 personnes, dont 6 journalistes, à un total de 91 années, 9 mois et 18 jours de prison, ainsi qu’à payer 40 000 lires turques (soit 18 250 €) d’amende durant le second trimestre 2012 pour violation des articles 7/12 du TMK. Les cours avaient prononcé des condamnations pour un nombre de 44 années et 8 mois de prison durant la même période en 2011.
Résumé des Procédures à l’encontre des Députés Kurdes
Les procureurs ont engagé 61 procédures contre 25 députés du Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP), qui occupent en tout 29 places au Parlement.
Les députes BDP Adil Kurt, Ahmet Türk, Altan Tan, Aysel Tuğluk, Bengi Yıldız, Demir Çelik, Emine Ayna, Ertuğrul Kürkçü, Esat Canan, Gültan Kışanak, Hüsamettin Zenderlioğlu, Halil Aksoy, Hasip Kaplan, İbrahim Binici, İdris Baluken, Leyla Zana, Nursel Aydoğan, Özdal Üçer, Pervin Buldan, Mülkiye Birtane, Sabahat Tuncel, Selahattin Demirtaş Selma Irmak, Sırrı Sakık et Sırrı Süreyya Önder ont en conséquence reçu les résumés de ces actes d’accusation.
Le député Özdal Üçer, tient le haut de la liste avec 9 actes d’accusation contre lui.
Les charges relevées contre les députes du BDP dans les résumés d’actes d’accusation sont « avoir fait de la propagande pour le PKK » (TMK article 7/12), « avoir contrevenu à la Loi encadrant les rassemblements et les manifestations » (article 28/1 de la Loi n° 2911), « avoir fait l’éloge d’un crime et du criminel » (article 215 du TCK), « avoir contrevenu à la loi sur les partis politiques » (article 78 de la Loi n° 2820), « avoir insulté un civil faisant son service militaire » (article 125 du TCK), « avoir insulté le premier ministre » (article 301 du TCK), « inciter les gens à la haine et l’inimitié » (article 216 du TCK) et « être adhérent à une organisation terroriste en commettant un crime en son nom sans en être membre » (article 314/2 du TCK).
Diffamation
Les procès de 16 personnes, incluant 9 journalistes, étaient en cours durant la publication de ce Rapport. Les tribunaux ont condamné 4 suspects, 2 d’entre eux étant journalistes, pour un total de 1 année et 11 mois derrière les barreaux et à payer des amendes d’un total de 12 000 TL (5 484 €) sur des allégations de « diffamation » et « d’attaque aux droits individuels ».
L’année dernière durant la même période, les cours ont condamné 8 suspects à 9 années et 4 mois de prison et 5 suspects à payer des amendes d’un montant de 29,860 lires turques (13 646 €), 3 d’entre elles à les verser directement à la personne du Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan.
Interdictions, confiscations
Les officiels ont retiré un livre des « 100 activités essentielles » du Ministère de l’Éducation sur le fait qu’il contenait des obscénités.
Les officiels ont aussi interdit une chanson, censuré une bande dessinée et demandé le retrait d’un magazine à son éditeur sous le même motif. Ils ont aussi interdit une bannière de célébration du 1er mai du Parti Communiste Turc (TKP) sous l’allégation qu’elle aurait contenu une insulte.
Les autorités ont aussi fermé pour un mois l’hebdomadaire Demokratik Vatan (« La patrie démocratique ») sous l’accusation qu’il aurait fait de la propagande au nom du PKK.
Recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme
Un journaliste a déposé un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) durant le deuxième trimestre 2012 accusant la Turquie d’avoir violé « l’interdiction de la torture » et « le droit à la liberté et à la sécurité ».
Le Haut Conseil de la Radio et de la Télévision
Le Haut Conseil de la Radio et de la Télévision Turque (RTÜK) a délivré 96 avertissements et 68 amendes contre des stations de diffusion audiovisuelles, tandis qu’il a aussi distribué 18 mises en garde et 2 amendes contre des stations de radio.
RTÜK a utilisé un grand nombre de raisons pour ses avertissements et amendes, parmi lesquelles les articles afférents « aux symboles de classement [à propos des contenus restrictifs à l’âge] », « à la dignité humaine et le droit à la vie privée », « à la présomption d’innocence », « à l’utilisation correcte de la langue turque », « à l’exploitation des gens à travers de la lecture de la bonne fortune et des superstitions », « au droit à de réponse », « aux concours et loteries », « aux publications explicites », « à l’application de la loi », « à la discrimination », « au tabac et ses produits dérivés », « à la présentation des actualités » et « à la publicité, au sponsoring et au placement de produit ».