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Un avocat turc : « Tout le monde peut-être membre d’une organisation ! »

lundi 13 août 2012, par Ayça Söylemez, Trad. Aurélien Roulland

En Turquie, il n’a jamais été très bien vu d’être contestataire, mais ces derniers temps le motif d’ « appartenance à une organisation [1] » est utilisé à tort et à travers par les procureurs pour réprimer toute forme d’opposition à l’état. Plus rien ni personne ne semble contrôler ces procureurs zélés . Faut-il y voir le d’un « chant du cygne » d’un système totalement sclérosé incapable de s’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui ?

En attendant un article de fond sur le sujet, voici la traduction d’un article paru sur le site d’information turc bianet.org montrant la totale absurdité d’une législation d’exception et de son application tatillonne. [ndlr]

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Manifestation de féministes en Turquie

Un procès a été ouvert contre 4 personnes accusées d’ « appartenance à une organisation » et « participation assidue et répétée » à des actions en faveur de la démocratie telles que le meeting du 1er mai ou la marche du Jour des Femmes Prolétaires du 8 mars ; « selon cette définition, tout le monde peut être adhérent à une organisation » a dit l’avocat Aslan.

Ces quatre personnes ont été arrêtées à Hatay sous les motifs de « de ralliement de façon répétée et continue » à des actions et à des meetings et « propagande en faveur d’une organisation [illégale]. »

Voici la listes des actions qui leur sont reprochées : participation au meeting du 1er mars, à la marche des Femmes Prolétaires du 8 Mars , à la protestation contre l’installation du bouclier antimissile et le projet 4 + 4 + 4 de l’éducation nationale

Parmi les « crimes » reprochés : Avoir protesté contre les tribunaux d’exception.

D’après l’acte d’accusation préparé par le procureur Özcan Şişman, présenté à la 6e chambre de la cour d’assise d’Adana, compétente pour juger ces délits, les 4 personnes arrêtées le 11 mai, Güzin Tolga, İbrahim Arslanhan, Selda Özçelikve Yılmaz Viraner, sont accusées d’ « appartenance à une organisation [illégale] » conformément à l’article 314/2 du code pénal turc et de propagande pour la dite organisation suivent l’article 7/2 de la législation de répression du terrorisme.

Voici une liste non exhaustive des motifs de leur mise en accusation :

  • Avoir arboré des pancartes « montrons la force des femmes » durant la journée mondiale de la Femme Prolétaire du 8 mars, et arborer des slogans « non à l’oppression par l’état des genres et des classes » dans ces mêmes manifestations
  • Avoir rallié un rassemblement commémoratif pour le massacre de Kızıldere le 30 mars [2].
  • S’être rendu à des pique-niques et s’être recueilli sur des tombes.
  • Avoir protesté contre l’amendement du système d’éducation dit « 4+4+4 » * Avoir pris part aux fêtes de Newroz. * S’être mêlé à des meetings « Stop à l’Ingérence en Syrie et au Moyen Orient ».
  • Avoir brandi des pancartes « l’action démocratique n’est pas un délit » pour protester contre l’application des tribunaux d’exception devant la Cour.

Lors de l’audience, aucun des quatre inculpés n’a nié les faits qui leurs sont reprochés. Et ils ont dit que « participer à des activités démocratiques, à des actions, et des manifestations, n’étaient pas un crime »

Tolga a à faire face à un autre procès, il est également poursuivi pour « avoir lancé un appel pour que le public vienne assister à son propre procès »

« Il ne s’agit que d’actes anodins de la vie quotidienne »

Dans le réquisitoire, voici comment le Procureur de la République Şişman justifie ce qui l’a amené à avoir la conviction de l’« appartenance à une organisation [illégale] ».

« Les actions auxquelles ils ont participé, impliquent le crime d’inciter à la propagande pour une organisation terroriste.
De plus, le fait que les activités liées à l’organisation prennent une place importante dans le quotidien des accusés ; qu’il soient engagés dans des organisation ou que des liens étroits avec d’autres adhérents d’organisations [illégales] soient observés obligent les accusés à assumer le crime d’ appartenance à ces organisations »
.

L’avocat Oya Aslan a affirmé que « nulle part dans la loi il n’y a une telle définition de l’appartenance à une organisation, au vu de cette définition ambiguë, n’importe qui peut être considéré comme adhérent d’une organisation [illégale] . »

Tolga et Özçelik sont en détention depuis maintenant 3 mois, à la prison pour femmes de Karatas ; Viraner, à Adana, dans une prison de type F. Lors de la première audience, le 2 aout, Arslanhan a été libéré, la prochaine audience est fixée au 4 Octobre.

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Sources

« Herkes Örgüt Üyesi Olabilir »
Ayça SÖYLEMEZ - Adana - BİA Haber Merkezi - mardi 07 Août 2012
Traduction du turc Aurélien Roulland
Relecture et en-tête Reynald Beaufort

Notes

[1Vous remarquerez que le qualification « illégale » ou même « armée » ou encore « terroriste » n’a même plus besoin d’être précisée, ce qui en dit long sur les motivations de ces censeurs ; le simple fait d’exprimer de quelque façon que ce soit son opposition à l’ « establishment » est un crime à leur yeux

[2En 1972 dix jeunes hommes avaient pris en otage deux citoyens britanniques et un ressortissant canadien pour essayer empêcher l’exécution de trois leaders étudiants, les forces spéciales ont attaqué le village dans la province de Tokat en Anatolie du Nord perpétrant le massacre de Kızıldere. Les dix kidnappeurs et leurs otages avaient été tués dans l’assaut.

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