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Un vent nouveau sur l’université turque ?

lundi 21 janvier 2008, par Ismet Berkan, Sebahat Erol

La nomination du Prof. Dr Yusuf Ziya Özcan à la présidence du YÖK annonce la fin d’une période qui avait commencé au milieu des années 90 avec la présidence du Prof. Dr. Kemal Gürüz et qui s’était poursuivie avec celle du Dr. Erdoğan Teziç.

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M. Özcan, professeur de sociologie à l’Université Technique du Moyen-Orient à Ankara (ODTÜ), a des convictions assez différentes de celles de ses prédécesseurs Gürüz et Teziç. Et le plus important des points de divergence, c’est l’opinion du Prof. Özcan sur l’interdiction du voile dans les universités, interdiction qui avait été appliquée de façon drastique à partir du milieu de la période Gürüz. Le Prof. Özcan est un intellectuel qui déclare ouvertement que l’interdiction du voile est un frein au droit à l’éducation.

Si ce processus qui a commencé avec l’arrivée du Prof. Özcan à la présidence du YÖK venait à se poursuivre, nous devons nous attendre avec le temps à un relâchement dans l’application de l’interdiction du voile dans les universités.

C’est ainsi mais ce qui est affligeant, c’est notre tendance à penser que le problème le plus important de nos universités est cette interdiction de porter le voile / le foulard et à nous demander, à chaque fois que quelqu’un de nouveau est nommé à la tête du YÖK, quel va être son point de vue sur cette interdiction au lieu de nous poser des questions sur tout autre sujet concernant nos universités.

Si vous voulez la vérité, personnellement, je pense que l’interdiction du voile est un problème certes qui a son importance mais qui est à classer plutôt au bas de l’échelle des problèmes vraiment importants de nos universités.

Avant tout, nous devons admettre qu’aujourd’hui, c’est l’existence même du YÖK, à la tête duquel est pourtant nommée une personne comme le Prof. Özcan réputé pour être « libéral », qui est le plus grand obstacle à la liberté de l’enseignement à l’université. Le Prof. Erdoğan Teziç était aussi réputé pour son désir de liberté et de démocratie avant sa nomination à la présidence du YÖK mais dès qu’il s’est retrouvé à ce poste, sa position a changé. Le Conseil de l’enseignement supérieur et « l’attitude » suscitée par ce Conseil ont bien changé les convictions du Prof. Teziç. Le Prof. Özcan va-t-il aussi passer par une telle transformation ? J’espère que non.

Ce n’est même pas la structure du YÖK qui est l’unique problème à la liberté de la science. Il y a aussi la loi-même du YÖK, qui considère les universités comme des sortes de lycées supérieurs et qui les traite ainsi. C’est à cause de cette loi que ce Conseil a la puissance et le pouvoir d’une sorte de second Ministère de l’Education Nationale, à cause de cette loi qu’il est convoité par les pouvoirs politiques.

Erdoğan Teziç n’est pas le premier exemple qui nous montre que le YÖK impose à ses présidents l’attitude et la mentalité à avoir. Voyez le Prof. Dr. Kemal Gürüz… Du temps de Turgut Özal, à la demande de celui-ci, Gürüz avait conçu une réforme de l’université qui, si elle était appliquée aujourd’hui, permettrait de résoudre une bonne partie des problèmes de nos universités, tellement cette demande de réforme est juste et libertaire.

Mais le même Kemal Gürüz est à l’origine de maintes pratiques devenues aujourd’hui des sujets de plaintes fondamentales ; c’est sous sa présidence que les universités ont commencé à devenir des espèces de lycées supérieurs et que les instances administratives de l’université, avec le YÖK, ont même dépassé l’autorité imposée par un patron à ses employés pour aboutir à un véritable hommage à la personne du président.

De ce point de vue, au-delà de la personnalité et des convictions du Prof. Dr. Yusuf Ziya Özcan, la présidence du YÖK impose un autre rôle et ce rôle, avec le temps, prend possession du président. Quelqu’un de vraiment libéral qui passerait à la tête du YÖK doit travailler à une seule chose : à la suppression de ce Conseil, ou du moins à l’abolition complète du contrôle central exercé sur les universités. Si cela ne se fait pas, il ne restera ni liberté ni rien d’autre.

Sinon, assouplir l’interdiction du voile ou autre, ce n’est pas le plus important.


*YÖK : Yüksek Öğretim Kurulu : Conseil de l’Enseignement Supérieur

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Sources

Source : Radikal, le 12-12-2007

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