La Turquie, c’est très pratique !!! Jugez donc.
Cela faisait longtemps ( ?!), cela nous manquait : Monsieur le Vicomte rayé d’un trait de minaret de la cartographie sondagière pré-électorale, la Turquie n’avait quasiment plus droit de cité (comme d’autres d’ailleurs) dans les discours fleuris de nos attendrissants candidats.
Mais rendons grâce à Marie-Nicolas de Sarkozie d’avoir enfin su redorer le blason de notre chère Turky !!!
He oui ! Il ne suffit pas de vouloir se hisser ou se glisser dans le Saint des Saints de l’hyperpuissance mondiale pour se donner un semblant de crédibilité en cassant du sucre sur le dos du gouvernement auquel on appartient : encore faut-il pouvoir se justifier d’une imparable parade !!!
Peu importe mes déclarations concernant l’arrogance française vis-à-vis des Etats-Unis sur le dossier irakien… Peu importe en effet, car j’ai en poche plié dans mon mouchoir maculé, le petit sou terne d’une bien vilaine Turquie, qui décidément n’en demande pas tant (elle en demanderait même moins, surtout en ce moment : mais je n’en ai que faire, moi qui vise les cieux élyséens !!!).
Donc peu importe en définitive que j’aille donner je ne sais quels gages à mes amis “néo-cons”, ces apôtres ratés de la révolution conservatrice (la rupture dans la continuité, mais surtout dans la rupture avec la continuité… Enfin, je me comprends !), peu importe que j’aille prendre à rebrousse-poil (quel courage pour quelques photos de presse aux côtés d’un Texan de si mauvais aloi !!!) une certaine sensibilité française, puisque j’ai dans la poche la fameuse amulette turque, AOC Asie Centrale…
« Je ne suis pas atlantiste ni pro-américain ! » La preuve : « Je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE !!! » Ben ouais... Ca déchire ça M’sieur, comme argument ! Yes.
... Imparable argumentation qui ressort de temps à autre le chiffon rouge de la candidature turque pour ressouder un électorat conservateur en mal de repères. Et puis pour faire de cette campagne présidentielle ce qu’elle est aujourd’hui…
L’extension rhétorique pourrait être longue encore. Imaginons.
« Je ne suis pas libéral. La preuve, je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE ! »
« Je ne suis pas communautariste. La preuve, je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE ! »
« Je ne cherche pas à séduire les électeurs musulmans. Je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE ! »
« Je ne suis pas un menteur. Je dis la vérité. Je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE ! »
…
« Je n’aime pas les pâtes fraîches. La preuve, je suis contre l’entrée de la Turquie dans l’UE ! »
etc… etc…
Laissons-nous donc convaincre par de telles séries argumentatives !
***
Demandons-nous cependant pourquoi notre ami Nicolas n’a pas choisi de prendre son électorat à rebrousse-poil (une partie) sur la question turque afin de défendre une position plus nuancée sur sa conception des relations avec les Etats-Unis.
« Je suis pour l’entrée de la Turquie dans l’UE. » La raison : « Je suis partisan d’une relation plus équilibrée avec les USA ! »
Pour deux choses très certainement :
pour la photo dans le bureau ovale dans un premier temps. Imaginez donc un peu votre candidat préféré main dans la main avec le premier ministre turc… Sainte horreur !!!!
pour la plus grande difficulté de l’argumentation ensuite puisque passant de la preuve trop évidemment assénée à la raison développée, il revient à l’homo politicus moyen de faire savoir que les Turcs ne sont pas les « chiens de garde des Américains » (les méchants !!!) quand il est tellement plus facile de prétendre le contraire au mépris des faits eux-mêmes !!! Mais où se tiennent donc vos évidences Messieurs ?
Comment faire comprendre ensuite qu’une Europe de la défense, qu’une Europe stratégique, émancipée d’une trop étroite et dangereuse tutelle américaine ne se construira pas seulement avec des Etats (« européens » eux !!!) soucieux de se placer sous parapluie américain par hantise de l’ours russe (et ce à nos propres risques et périls) mais avec des acteurs stratégiques intermédiaires impatients de recouvrer souveraineté et marges de manœuvre sur leur voisinage immédiat ?
C’est effectivement complexe. Et puis, en plus, c’est écrit en anglais, nom d’une pipe !!!
Turkey-EU : the meeting point (1)
Turkey-EU : the meeting point (2)
Mais n’en doutons point : le candidat Sarkozie devenu un jour président, ne sera pas le fossoyeur d’une diplomatie française qui saura lui rappeler les exigences dues à son rang…
Il lui restera alors deux possibilités :
faire croire aux Français que c’est Bruxelles qui lui impose de reculer sur ses « promesses » (lesquelles ?) et autres rodomontades…
faire de nécessité vertu et se mettre à l’école du pragmatisme à l’instar de sa camarade Angela. Peut-être alors que le Monsieur Propre de la vérité politique en France comprendra que celle-ci implique bien plus que de vaines questions rhétoriques. C’est, du moins, tout ce que nous sommes en droit d’espérer.
Malgré ces très tentantes et cyniques tentations électorales, il est plus que temps de laisser la Turquie tranquillement gérer les convulsions sismiques de sa société en pleine évolution. C’est une simple question de savoir-vivre : et c’est très important ça, le savoir-vivre !!!