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Menaces sur la présence syriaque

mardi 17 février 2009, par Marillac

Le monastère de Mor Gabriel (Deyrulumur), haut lieu de la fragile présence syriaque dans le Sud-Est de la Turquie fait l’objet de visées et de convoitises qui se traduisent aujourd’hui par la multiplication de procédures judiciaires. Les chefs de certains villages kurdes voisins ont semble-t-il décidé d’en récupérer les terres. La communauté syriaque lance un cri d’appel au travers d’un site Internet et d’une pétition en ligne. Ci-dessous, des informations et quelques précisions.

- Don’t touch Mor Gabriel

L’Eglise syriaque fait partie des Eglises orthodoxes orientales autocéphales fondées après le Concile de Calchédoine (451) qui condamnait le monophysisme de la nature du Christ comme hérésie. Elle dépend aujourd’hui du Patriarcat d’Antioche en résidence à Damas.

Il est dans le Sud-Est anatolien un élément fort et sacré de la présence syriaque : le monastère de Mor Gabriel (Deyrulumur, à proximité de Mardin) fondé il y a de cela 1640 ans. Outre les bâtiments conventuels et l’église, la fondation religieuse dont il est le cœur est propriétaire de terrains aux alentours. Ce sont ces terres qui font aujourd’hui l’objet de la convoitise de certains voisins.

Le monastère est confronté à trois procédures judiciaires intentées par des “riverains”. Les riverains en question : des personnes qui, il y a trois ans à peine, avaient déjà pris possession des terrains appartenant aux Yézidis (minorité religieuse encore présente en Irak, ndlr). Dans une lettre adressée au gouvernement turc, le député suédois social-démocrate, Yilmaz Kerimo (d’origine turque syriaque) nommait le responsable de ces démarches judiciaires : le père d’un député AKP de la région qui se trouve être à la tête d’un groupe de “protecteurs de village” [supplétifs para-militaires de l’armée turque dans le Sud-Est anatolien, armés par Ankara dans le cadre de la lutte contre le PKK, ndlr]. Les plaintes déposées auprès du procureur de Mydiat s’appuient sur une rhétorique bien connue et malheureusement efficace.

Petit florilège.

1) “L’église qui n’est pas une fondation religieuse et qui n’a pas de titre de propriété ou d’exploitation, s’est installée partout comme un occupant. Elle occupe nos terres et en exploite les bois.

L’église dont on dit ici qu’elle n’a pas le statut juridique de fondation est une fondation pieuse datant de la période ottomane. Elle est ainsi reconnue dans le Journal Officiel de la République turque (24.01.2003).

Puis plus loin, “nous nous adressons à tous les responsables ; vous devez mettre fin à cette occupation et à ce pillage ! Vous êtes les fils du Sultan Fatih qui promettait de couper la tête à qui couperait une branche de ses forêts. Vous devez non pas couper la tête de ce prêtre épiscopal mais mettre un terme au pillage.

2) “Dans ce monastère, on donne des cours de religion à des enfants de 10 à 12 ans dont l’identité reste secrète. On y viole la loi d’unification de l’enseignement. On y mène des actions réactionnaires. En outre, il s’agit d’un musée qui ne peut se prévaloir d’une autorisation pour les pratiques religieuses.

Or, le Traité de Lausanne, acte fondateur de la Turquie moderne, énonce en son article 40 le droit pour “les membres des minorités non-musulmanes de fonder, de diriger et de contrôler toutes sortes d’écoles et d’institutions d’enseignement et d’y utiliser librement leur langue comme d’y pratiquer librement ce que commandent leurs croyances.

Il est rappelé un peu plus haut à l’article 37 qu’aucune loi ou décision de justice ne peut porter atteinte à ces dispositions.
Plus loin, les plaignants précisent leur pensée : “quant aux moines, les prêtres et les métropolites qui vivent là-bas comme d’autres personnes inconnues, on se demande d’où elles sont venues, dans quel but ?” La présence des Syriaques dans cette région est attestée depuis au moins 16 siècles.

3) Ces gens-là “poussent le peuple à la révolte et à l’émeute. Ils mènent des actions de toutes sortes visant à défaire l’esprit d’unité et de solidarité de la nation”. Sans commentaire.

4) “Et ici sans que l’on en connaisse la provenance et sans que ces sommes ne soient soumises à l’impôt, arrive de l’argent aux origines occultes.

Sachant que les fondations sont soumises au strict contrôle de la Direction Générale des Fondations, un tel afflux d’argent est-il seulement envisageable ?

Il y a un mois environ dans un éditorial consacré à cette question, Baskin Oran concluait : “d’après moi, il faut les laisser se faire spolier leurs terrains. İls iront porter l’affaire devant la Cour Européenne de Justice et c’est finalement le contribuable turc qui paiera une fois la Turquie condamnée !

Avant d’ajouter : “nous aurons au moins préservé notre pays des attaques impérialistes et de la terreur missionnaire.

- Don’t touch Mor Gabriel

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Sources

Source : Texte construit à partir de l’article de Baskin Oran, paru le 21-12-2008 dans Radikal 2.

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