Logo de Turquie Européenne
Accueil > Articles > Articles 2007 > Les occidentaux poussent la Turquie vers le gouffre

Les occidentaux poussent la Turquie vers le gouffre

mardi 13 février 2007, par Marillac, Rusen Cakir

© Marillac et Turquie Européenne pour la traduction

Le ministre des Affaires Etrangères, Abdullah Gül revient des USA. Il aura abordé à Washington et à New-York des sujets que nous ne connaissons que trop bien : le PKK, un projet de reconnaissance du génocide arménien et lié à tout cela, la question de Kirkouk (Irak). Le chef d’Etat-major, le général Büyükanit, doit le suivre et aborder encore toutes ces questions pour faire comprendre à ses interlocuteurs que la coupe n’est pas loin d’être pleine.

JPEG - 5.2 ko

Bien. Mais de tout cela que ressortira-t-il au juste ? Tout au plus une opération limitée mais relativement sensationnelle contre le PKK au nord de l’Irak. Tout en sachant que ses acteurs, son timing et ses modalités resteront encore largement inconnus. Mais les Américains ne frapperont pas le PKK en allant à l’encontre des inclinations des Kurdes d’Irak. Et ils ne donneront assurément jamais à la Turquie le feu vert pour une opération qu’Ankara pourrait mener à sa main et en toute autonomie.
Mais voilà donc la question centrale : comment se fait-il que ni les Etats-Unis, ni l’Europe, et en général le monde occidental, ne prêtent une attention sérieuse aux demandes de la Turquie ? Ne craignent-ils pas de perdre un jour cet allié ? Ou alors faut-il en conclure que décidément on ne nous aime pas ?

Ils sont très satisfaits de nous

Non, non, bien au contraire. Ils nous aiment bien et même beaucoup. Peut-être même que les problèmes trouvent ici leur source. Ils sont satisfaits de ce processus d’occidentalisation dont nous faisons preuve depuis les dernières périodes ottomanes. Ils apprécient notre système laïque et démocratique. Et ils vont même parfois jusqu’à faire de notre modèle une sorte d’exemple pour le monde musulman. Ce faisant, cette économie turque en pleine expansion n’est pas sans éblouir les yeux des investisseurs occidentaux.

La position géostratégique de la Turquie est aussi très importante pour l’Occident : hier, on nous voyait comme un avant-poste policier face au bloc soviétique.
Au début des années 90, nous sommes devenus la principale base des opérations en direction de l’Irak. Et aujourd’hui, le fait que nous soyons la seconde armée de l’OTAN ne leur fait élever qu’assez peu d’objections. Les soldats turcs qui ont servi et servent dans ce cadre en Somalie, en Afghanistan, en Bosnie comme au Liban n’ont recueilli que des louanges.

Les occidentaux sont si satisfaits de la Turquie qu’ils ne font qu’ignorer les demandes d’Ankara. Par exemple, lorsque vous dites que « laisser la Turquie en dehors de l’Europe serait une catastrophe », on vous taxe d’alarmisme si on ne vous accuse de chantage. Si vous évoquez les positions du PKK dans le nord de l’Irak, on vous oppose la nécessité de développer de saines relations avec les Kurdes d’Irak. Et nous pourrions encore multiplier les exemples. Comme ce texte de reconnaissance du génocide arménien qui nous pend au nez au Congrès américain. Ou bien comme ces Turcs de Chypre que l’on continue de pénaliser malgré le soutien qu’ils ont exprimé au plan Annan…

Le mystère de cette confiance excessive

Vous leur posez la question d’un coup d’Etat. « Impossible » répondent-ils. Ou bien, « ça s’est déjà produit par le passé. Cette fois, la Turquie en reviendra vite à un système démocratique. »
Vous leur montrez toutes les formes d’anti-occidentalisme qui ressortent nettement de toutes nos enquêtes d’opinion. « Il n’est pas en Turquie de danger nationaliste qui porterait atteinte à la démocratie », répondent-ils. Ou bien encore, « la Turquie a-t-elle une autre destination que l’Occident ? » savent-ils vous opposer.

En bref, quoi qu’il puisse se passer en Turquie, les dirigeants des pays occidentaux comme leurs médias et leurs intellectuels sont persuadés d’une chose : « il ne faut pas s’inquiéter. Il n’arrivera rien à la Turquie. Ce pays pourra surmonter ces difficultés. »

Avant toute chose, cette confiance qu’ils ont en nous et que nous n’avons pas doit être envisagée avec circonspection. Nous nous devons d’interroger leur sincérité. La majorité de ceux qui disent « qu’il ne peut rien arriver à la Turquie » sont de ceux qui pensent en fait que de « la Turquie rien de bon ne peut sortir ». C’est-à-dire que « quels que soient tous ses efforts, la Turquie est incapable de jamais devenir occidentale. Ni sa démocratie, ni sa société civile, ni sa laïcité ne pourront jamais correspondre aux standards européens. »

« Il ne peut rien arriver la Turquie », pensent-ils parce qu’ils ne souhaitent en fait pas que grand chose advienne de la Turquie. Et ils craignent en fait que, si La Turquie venait jamais a réussir, ne s’effrondrent les conceptions quasi racistes qui président à leur orientalisme « islamophobe ».

- Le site Internet de Ruşen Cakir

Télécharger au format PDFTélécharger le texte de l'article au format PDF

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0