C’est l’éternelle question : « Qu’est-ce qui est apparu en premier : l’œuf ou la poule ? »
Et l’éternelle réponse : « Les deux hypothèses sont justes. »
Ces derniers jours, on voit en Turquie une opposition croissante au PKK. Et c’est normal. Ce n’est pas seulement parce que le PKK essaie de diviser le pays qu’il doit être maudit, mais parce qu’il est la cause du malheur et de la mort des gens, hommes, femmes, enfants, Turcs, Kurdes.
Il doit être maudit parce qu’il essaie de résoudre par la terreur, par les armes, par le sang, des problèmes qui peuvent se résoudre de façon pacifique.
Il doit être critiqué car il a transformé les choix politiques proposés en querelles qui relèvent de crimes d’honneur et qu’il a rendu impossible tout règlement pacifique du conflit.
L’autre jour, le Président irakien Talabani a commencé sa critique du PKK par ces mots : « L’ère des Che Guevara est maintenant terminée ! »
Même si l’exemple du Che est mal choisi, Talabani avait tout à fait raison. On peut voir que ce genre de guerre des bandes n’a plus de sens, pour de nombreuses raisons. Le PKK doit aussi être violemment critiqué car il entraîne les gens dans une aventure sans fin.
Depuis des jours, des milliers de personnes marchent dans les rues, scandant des slogans comme « A bas le PKK ! », « Vivent les martyrs, vive la patrie ! », « Les jeunes d’aujourd’hui, les martyrs de demain ! ». L’atmosphère est chargée d’affectivité. Des drapeaux aux mains, des larmes aux yeux.
Pourra-t-on contrôler la situation ?
Avec l’importance croissante de ces réactions, une question commence à tourmenter les esprits : « La situation pourra-t-elle être contrôlée ? »
Si ces manifestations commencent à devenir dérangeantes pour les citoyens d’origine kurde, elles engendreront plus de mal que de bien. C’est une chose certaine. Mais sous l’emprise de la colère, qui sait ce que peuvent faire les groupes de manifestants…
En prenant des mesures de « censure », le gouvernement a certes voulu empêcher des conséquences néfastes probables. Mais la Turquie, avec l’expérience de démocratie qu’elle a acquise, ne pouvait pas supporter une telle censure, d’ailleurs, elle ne l’a pas supportée. Dans ces conditions, c’est aux médias d’agir, et notamment à la télévision.
Et on en arrive à une situation qui ressemble à l’histoire de la poule et de l’œuf. Les chaînes de télévision et la presse en général sont chargées d’informer la population. Si on voit dans le peuple un renforcement des courants nationalistes radicaux, les médias doivent le montrer, sinon, ils n’auront pas fait leur devoir.
Mais selon un point de vue opposé, comme les chaînes de TV ont tendance à dramatiser exagérément les événements, elles ne font que de jeter de l’huile sur le feu et les manifestations prennent encore plus d’ampleur. Les informations concernant le terrorisme deviennent un moyen d’attirer des téléspectateurs devant l’écran.
Quelle opinion est la plus juste ? Je pense qu’il y a du vrai dans chacune. La télévision donne ces informations, car elles reflètent la tendance de la population. D’un autre côté, les images montrant des réactions d’un nationalisme exacerbé excitent le peuple et causent la multiplication de ce genre de réactions.
La Turquie est déjà un pays où la tendance nationaliste est très forte. Notre système éducatif repose sur un socle nationaliste. On a même vu parfois nos marxistes, qui logiquement devraient être internationalistes, glisser vers un nationalisme violent.
Dans ce pays, si le nationalisme est attisé un peu trop, on peut aboutir à des résultats inattendus et non souhaités. Je crois qu’il serait bon que les médias, en particuliers les chaînes de télévision, soient plus attentifs à ce qu’ils rapportent.