Les agriculteurs du néolithique, s’ils ont transmis leur culture de proche en proche il y a sept mille cinq cents ans, se sont peu déplacés eux-mêmes.
IL Y A sept mille cinq cents ans, au néolithique, venant du croissant fertile du Proche-Orient, les premiers agriculteurs se sont installés en Europe. En même temps que l’agriculture, ces fermiers ont répandu leur culture par le biais de poteries et d’outils, leurs langues et leurs gènes. Une équipe européenne de scientifiques (1) qui viennent d’analyser l’ADN fossile de squelettes du néolithique avancent que ces agriculteurs auraient eu peu d’incidence sur la constitution des populations européennes actuelles. Et que notre diversité se serait principalement enracinée dans le paléolithique supérieur.
Pour en arriver à ces conclusions, les auteurs ont extrait des séquences d’ADN mitochondrial (transmis uniquement par la mère et qui échappe en principe au brassage ou à la recombinaison de gènes à chaque génération) de 24 squelettes d’agriculteurs du néolithique provenant d’Allemagne, d’Autriche et de Hongrie. Après avoir utilisé une banque de données mondiale rassemblant 35 000 échantillons d’ADN « moderne », ils en ont déduit que l’héritage génétique de ces premiers agriculteurs européens chez nos contemporains était très faible.
« Je suis plutôt convaincu par cet intéressant travail », confirme Jean-Denis Vigne, CNRS-Muséum d’histoire naturelle (2). « Des caractéristiques génétiques de types (N1a) qui sont rares à notre époque ont été trouvées sur 6 des 24 spécimens étudiés, ainsi que 2 sous-types jamais décrits dans les populations actuelles. Caractéristiques qui étaient présentes dans 5 sites distants les uns des autres. »
Bien que l’étude ne porte que sur peu d’individus (24), elle va dans le sens de ce que pensaient nombre de spécialistes. A savoir que les cultures européennes venaient d’Orient ou du Moyen-Orient mais qu’au néolithique peu de déplacements de populations se sont produits sur de grandes distances. Et que ce sont les idées et les compétences qui ont diffusé au sein d’un tissu humain peu mobile. Les premiers chasseurs circulaient sur un grand territoire, mais certainement pas au niveau de l’Europe, indique encore Jean-Denis Vigne.
Même les « colonisateurs » de l’époque n’allaient pas très loin. Ils ont mis plusieurs millénaires pour occuper l’Europe. Le mode de vie néolithique a progressé peu à peu d’est en ouest par transfert de proche en proche de savoirs techniques, d’animaux domestiques, de céréales. Certaines haches polies en roche verte, par exemple, ont voyagé des Alpes jusqu’au nord de l’Europe, des objets du littoral (coquillages) par le jeu d’échanges de proche en proche.
(1) « Science » 11 novembre 2005. (2) Auteur des « Débuts de l’élevage », Editions Le Pommier.