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Derrière les assassinats de journalistes en Turquie

jeudi 25 octobre 2007, par Haluk Sahin, Sebahat Erol

A la lecture du livre de Hıfzı Topuz Özgürlüğe Kurşun (La liberté assassinée) paru aux Editions Remzi Kitabevi en septembre 2007, je n’ai pas arrêté de me poser la question suivante : Comment se fait-il que dans ce pays où la population n’est pas très encline à lire les journaux, il y ait eu tant de journalistes assassinés ?

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Si l’on considère que le premier journaliste assassiné a été Hasan Fehmi, qui a reçu une balle en 1909 sur le pont de Galata, depuis ce jour, c’est-à-dire dans les 98 dernières années, on compte 61 journalistes tués. De Hasan Fehmi à Hrant Dink, 61 personnes ont donc été la cible de balles, de bombes pour avoir révélé certaines vérités, ou bien pour avoir défendu de leur plume certaines idées…

Je suis persuadé qu’en ce moment même, dans certains coins obscurs, il y a des personnes qui pensent– voire qui cherchent une occasion de le faire – qu’il faut supprimer certains journalistes sous prétexte qu’ils défendent telle ou telle opinion, qu’ils sont révolutionnaires, nationalistes, kémalistes ou bien islamistes.

C’est une des caractéristiques culturelles importantes de chez nous que de s’opposer par les armes à l’expression des idées. Pourquoi ? Pourquoi donc ? Dans son livre qui devrait être étudié dans toutes les écoles de journalisme pendant les cours d’ « entrée dans le métier », Hıfzı Topuz explique cela par le fait qu’il existe dans la population des groupes qui protègent et aident les forces obscures qui se trouvent derrière les assassins. C’est un tel réflexe de protection qu’il empêche toujours de dévoiler le secret qui se cache derrière le meurtre de Sabahattin Ali par exemple alors qu’il s’est passé 60 ans depuis ce crime. Et pourtant, entre temps, l’Empire s’est écroulé, le système politique a changé, des coups d’Etat se sont produits, des gouvernements se sont succédé, il y a eu au pouvoir la droite, la gauche, les laïcs, les religieux, eh bien, pas un seul n’a eu le courage de dire : « C’est un tel qui en vérité a tué Sabahattin Ali. »

Lors de la dernière session, lorsque le député CHP Mustafa Gazalcı a posé une question au sujet de ce meurtre, la réponse du Ministère de l’Intérieur a été : « Ce dossier est perdu. »

Dire que ce dossier est perdu signifie que la vie d’autres journalistes est en danger et par conséquent, que cette coutume terrifiante instaurée par les Unionistes est toujours en cours.

La première victime, Hasan Fehmi, est assassinée pour avoir critiqué avec virulence les Unionistes. La seconde victime, Ahmet Samim, devient la cible de balles meurtrières un an après pour les mêmes raisons. Quelques années plus tard, c’est Zeki Bey, que l’on peut considérer comme le premier journaliste reporter de notre Histoire, qui est réduit au silence par les armes.

Savez-vous à quel moment on découvre les forces qui soutenaient les meurtriers de ces trois brillants journalistes ? Après la fondation de la République, pendant le procès de l’attentat contre Atatürk. Le jeune correspondant Ali Naci Karacan, qui allait plus tard créer le quotidien Milliyet, a révélé, dans une dépêche qu’il a envoyée à son journal, que selon l’acte d’accusation du procureur, un des accusés, l’ancien unioniste Şükrü, se trouvait être à la tête d’un comité secret qui avait commandité le meurtre de ces trois journalistes. Les meurtriers des trois hommes faisaient donc partie de la même bande.

Les hommes de main ne sont pas si importants. Chez nous, il n’est pas bien difficile d’en trouver ! Qui a ordonné le meurtre d’Abdi İpekçi, Uğur Mumcu, Çetin Emeç, Ahmet Taner Kışlalı ? Allons-nous un jour connaître leurs véritables meurtriers comme nous l’avons appris pour Hasan Fehmi, Ahmet Samim et Zeki Bey ? Nous ne pouvons répondre que « peut-être » à ces questions alors qu’il s’est écoulé un siècle depuis le premier crime !

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Sources

Source : Radikal, le 14-10-2007

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