La Turquie a déjà signé quelques accords bilatéraux de réadmission : avec la Syrie et la Grèce en 2001, plus récemment avec la Russie en janvier 2011 et avec la Bosnie-Herzégovine en février 2012. Ce type d’accord s’accompagne généralement d’un assouplissement du régime de visa entre les parties tenantes. L’enjeu est important pour la Turquie a souligné le ministre turc des Affaires européennes : « Il s’agit d’une étape majeure dans le processus visant à abolir le régime de visa injuste appliqué aux citoyens turcs par les États membres de l’UE ». Par ailleurs, une politique extérieure particulièrement ouverte explique la signature de ces accords où l’aspect « réadmission des migrants » est mis entre parenthèse au profit de l’exemption de visa. La politique de bon voisinage d’Ahmet Davutoğlu vise à permettre un développement et une diversification des relations diplomatiques, ce qui passe entre autre par une renégociation des régimes de visa pour les citoyens turcs à l’étranger. Durant ces dernières années, l’exemption de visa, pour se rendre en Turquie, a été appliquée de nombreux pays : Ukraine, Russie, Tadjikistan, Liban, Tanzanie, Brunei, Cameroun, etc…
Cet accord diffère en un point des accords de réadmission signés précédemment par la Turquie dans la mesure où il est multilatéral : il implique non pas deux pays mais plusieurs. L’Union Européenne achève ainsi son quatrième accord multilatéral après la Moldavie et l’Ukraine en 2007, le Maroc en 2008 et la Géorgie en 2011. Tracés dès leurs premières arrestations (ou demandes d’asile) à l’aide de données biométriques, les migrants seront ainsi renvoyés vers les pays où ce premier contrôle a eu lieu. Lors de la signature du Plan d’Action National pour l’adoption des acquis Européens en terme d’asile et d’immigration (Türkiye Ulusal Eylem Planı) en 2005, la Turquie et l’Union Européenne s’étaient entendues sur un certain nombres de points prévoyant une gestion optimisée des flux migratoires, tout en assurant l’application des standards européens en terme d’asile. L’introduction du document décrit la Turquie comme un pays de transit où les migrants illégaux affluent (akın akın geliyorlar).
Les migrants sont perçus comme un « fardeau » par les parties tenantes de l’accord et il s’agit à travers diverses procédures techniques et juridiques de le « partager » (külfet paylaşımı). Dans une même mesure, le PAN de 2005 prévoit la suspension de la limite géographique appliquée à la Convention de Genève par la Turquie (qui prévoit que seul les ressortissants de pays Européens pourront être réfugiés en Turquie). Jusqu’alors, aucune contrepartie n’a été envisagée par l’Union Européenne et tout semble indiquer du côté turc que seule l’entrée dans l’Union le permettrait. La cadence à laquelle sont prises les mesures nationales ou internationales relatives à la gestion des flux migratoires s’est largement intensifiée en Turquie depuis cette dernière décennie. Sujet généralement peu abordé par les médias, la gestion politique et juridique des migrations prend peu à peu place dans le paysage politique turc. Prochainement dans les colonnes des médias turcs, le projet de loi (Loi sur la protection internationale des étrangers ; Yabancılar ve Uluslararası koruma tasarı) qui devrait « révolutionner » la justice turque en matière de droit des étrangers. La Turquie, qui encore récemment ne s’occupait pas particulièrement des migrants sur son territoire, semble encline à restructurer ses normes juridiques dans le cadre de l’adoption des acquis européens, notamment si cela permet à la Turquie d’obtenir en contrepartie à terme une exemption de visa pour ses citoyens.