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Esclaves sexuelles en Turquie : un reportage qui dérange

dimanche 24 juin 2012, par Eric

La réalisatrice canadienne Ric Esther Bienstock est allée en Ukraine et en Turquie enquêter sur le trafic d’esclaves sexuelles entre ces deux pays. Séduites par des propositions d’emplois à l’étranger, de très jeunes femmes sont en réalité vendues en Turquie et ailleurs, où, réduites à l’esclavage, battues et maltraitées, elles sont forcées à la prostitution dans des conditions abominables. En grande partie filmé en caméra cachée, ce reportage édifiant, diffusé en 2006 sur la chaîne canadienne Canal D, montre des pratiques terribles qui devraient sembler révolues depuis des siècles. Et pourtant, nous sommes bien au XXIe siècle, aux portes de l’Europe...

La fin de l’Union Soviétique s’est accompagnée de l’explosion de tout un tas de trafics entre les anciennes républiques de l’ex-URSS : armes, drogues, ... Mais la progression la plus importante a sans doute concerné celui des femmes.

La misère responsable

Affiche du documentaire : Sex Slaves {JPEG}Si l’on prend l’exemple de l’Ukraine, ce pays ne s’est jamais remis de la fin de l’URSS. Autrefois composante majeure de l’économie soviétique, l’Ukraine connaît dans les années 1990 huit années de récession successives qui mettront l’économie à terre. En 1999, le PIB par habitant de l’Ukraine est inférieur à la moitié de ce qu’il était avant l’indépendance du pays en 1991. Après quelques années de reprise, l’économie ukrainienne a connu plus de 15% de décroissance en 2008 après la crise financière. Gangréné par les trafics en tout genre, la corruption, et le népotisme, le pays est aux mains d’une mafia qui a mis la main sur toutes les richesses du pays, ceux qu’on nomme les « oligarques ». [1], ne laissant que des miettes à une population appauvrie. Ainsi, le site de la CIA estime à 35% le pourcentage d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté en Ukraine. [2]

La misère pousse alors quantités d’Ukrainiens à aller tenter leur chance à l’étranger dans l’espoir d’un avenir meilleur. Depuis l’indépendance, le pays a connu un solde migratoire négatif. Alors que sa population était de 52 millions en 1991, l’Ukraine ne compte aujourd’hui que moins de 45 millions d’habitants.

L’espoir d’un avenir meilleur

Ric Esther Bienstock se rend à Odessa, grand port de la mer noire, plaque tournante du trafic de prostitution entre l’Ukraine et la Turquie, car c’est de là que partent régulièrement des ferry-boats pour Istanbul.
Filmant en caméra cachée, elle parvient à retrouver la dirigeante d’un grand réseau de proxénétisme, une dénommée « Pasha ». Pour les attirer, sa technique est simple. Les trafiquants postent des annonces pour proposer des emplois divers à l’étranger, serveuses, chanteuses, ouvrières, profitant de la naïveté de femmes d’Ukraine, Moldavie ou autres anciennes républiques soviétiques, fuyant la misère. En réalité, elles seront vendues comme esclaves. La même histoire se répète inlassablement : leur passeport confisqué à l’arrivée, elles seront enfermées, battues, violées et torturées physiquement, et souvent séropositives. Les témoignages des femmes ayant réussi à s’en échapper sont parfois insoutenables.

La police turque complice

A Istanbul, le haut lieu de la prostitution des femmes venues de l’ex-URSS s’appelle Aksaray. La caméra cachée révèle un trafic terrible qui a quasiment pignon sur rue. Arrivées au port de Karaköy, Pasha, la proxénète moldave emmène ses victimes sur un parking, où elle les vend au vu et au su des policiers turcs.

Le reportage se focalise sur l’histoire d’un couple moldave, Viorel et Katia. Katia, la femme de Viorel, enceinte de lui, été vendue comme esclave en Turquie. Devant l’impossibilité de faire confiance à la police turque, Viorel se fait passer pour un proxénète pour racheter sa femme à Apo, un homme réputé pour n’avoir « aucun principe » et « aucun respect envers la vie humaine » (sic). C’est l’un des principaux proxénètes de la ville d’Antalya.

En fait, ces trafics se font avec la complicité active des autorités. Lorsque la police turque est alertée de la présence d’un certain Apo à l’aéroport d’Antalya, la police turque reste étonnamment passive, signe que ces trafics sont bel et bien acceptés, et tolérés par les autorités turques.
Pire encore, la police n’hésite pas à coopérer directement avec les proxénètes. Lors de rafles de la police, les jeunes femmes ne sont pas considérées par des victimes, mais arrêtées comme immigrées illégales.

Un témoignage terrifiant et terriblement inquiétant sur là où mène la pauvreté et le chaos, et l’incroyable complicité des autorités turques en la matière, pourtant promptes à se définir comme le garde-fou moral de la société.

« Un pays du tiers monde dans la lutte contre le trafic des femmes »

Même si, depuis 2005, un numéro de téléphone, le 157, existe pour alerter de ces trafics [3], il n’est pas étonnant dans ce contexte, qu’une responsable de l’Ambassade Américaine ait évoqué la Turquie comme un « pays du tiers monde dans la lutte contre le trafic des femmes » [4]. En fait ce sont le plus souvent les clients eux-mêmes qui prendraient pitié de ces femmes emprisonnées et contribueraient à leur libération [5].

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Voir en ligne : Esclaves sexuelles - Canal D

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