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Une femme premier ministre

samedi 14 octobre 2006, par Taha Akyol

© Turquie Européenne pour la traduction

© Milliyet, le

Le journaliste turc Taha Akyol revient ici sur un récent voyage en Allemagne durant lequel il devait rencontrer la chancelière Angela Merkel, farouche opposante à l’adhésion de la Turquie à l’UE. L’occasion de revenir sur le style tout en vérité de cette femme simple comme sur les réalités de la politique et de la diplomatie que seuls les éternels candidats en campagne peuvent se targuer d’ignorer superbement…

La chancelière allemande, Mme Angela Merkel devait participer au 10e anniversaire de la chaîne de télévision organisé à Francfort. Avec un certain nombre de collègues journalistes, nous en avons profité pour lui poser un certain nombre de questions sur le mode d’un échange impromptu. Nous avons entendu et écouté ses discours et intervention. Nous avons tenu à observer son sens des relations humaines.
Et je dois dire que j’ai trouvée cette femme de sensibilité chrétienne-démocrate fidèle à l’image que je m’en étais faite. Une femme de principes, aux idées organisées et apte à mettre en avant à bon escient sa sensibilité chrétienne démocrate. Quant au trait auquel je ne m’attendais pas chez elle, c’st sa propension à laisser parler la forte sympathie de sa personnalité… Quoi qu’il en soit, j’avais pensé rencontrer une femme distante et froide dans ses contacts. Or il n’en est rien : malgré une posture très digne, elle se comporte très chaleureusement auprès de ses interlocuteurs, elle ne s’énerve pas, sait écouter et n’abrège pas les conversations…
Toutes ces qualités ne compte pas pour rien lorsqu’il s’agit de diriger un pays à la tête d’une coalition réunissant sociaux et chrétiens-démocrates.

Une lectrice d’Atatürk

Trois ans plus tôt, lorsqu’elle se rendit en Espagne pour ses vacances, elle lut le très bon livre d’Andrew Mango intitulé Atatürk. Cet ouvrage devait la marquer. Elle nous dit vouloir toujours soutenir « la Turquie d’Atatürk ». Elle est persuadée que la Turquie moderne de par ses succès sur la voie du développement et de la démocratie peut effectivement représenter un modèle d’inspiration pour le monde musulman.
Merkel nous dit-elle tout cela par simple politesse politique ? Non ! Mme Merkel est dotée d’une très singulière et importante qualité : elle parle sans contrainte.
- Vous savez très bien que je ne suis pas favorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE. Je trouve qu’un partenariat privilégié servirait mieux les intérêts à la fois de la Turquie et de l’UE. Mais la fidèlité aux pactes et traités est capitale pour nous. Nous sommes nous aussi liés et attachés aux obligations de l’Etat allemand.

C’est-à-dire que nous continuons sur la route des négociations d’adhésion de la Turquie !
Au final, l’adhésion pleine et entière est une autre affaire ; ce sera la question 10 ou 15 ans plus tard ! D’après moi, la Turquie ne doit pas dès aujourd’hui se focaliser et rester bloquée sur un processus dont on ne connaît pas le terme mais doit s’évertuer à poursuivre sa route pour tirer un maximum de bénéfices politiques et économiques de ce même processus de négociations. Et je suis persuadé que Merkel nous sera sur ce point d’une grande aide.

Une façon de penser

Merkel est la fille d’un pasteur. Elle a étudié la physique et a fait de la recherche dans le domaine de la chimie quantique ; ce sont toutes ces traces que nous pouvons retrouver dans sa façon de penser. Elle répugne aux approches du genre « je sais tout par anticipation » et s’évertue à réfléchir selon une logique d’investigation :
- L’Europe s’est fortement sécularisée. Nous n’avons que très peu de connaissances en ce qui concerne les religions en général, voire en ce qui concerne nos propres religions. Mais ce sont ces sujets qui occupent aujourd’hui le devant de la scène. Nous avons besoin de recherches et de travaux sérieux…
Elle accorde une grande attention, et ce avec raison, à l’intégration des Turcs en Allemagne et réfléchit encore à haute voix :
- Et si nous nous mettions à donner des cours de religion en Allemand de manière à favoriser l’apprentissage de l’Allemand par les Turcs ? En Islam, il n’y a pas d’autorité sur le mode de l’Eglise : qui devons-nous prendre pour interlocuteur ? Comment devons-nous enseigner l’Islam ? Selon les préceptes de quelle école ?

Les questions de Merkel la scientifique sont celles-ci. Mais, Merkel la « chrétienne démocrate », refuse la double nationalité que les Turcs demandent avec tant d’insistance. « Que chacun choisisse sa patrie », déclare-t-elle. Ses opinions concernant l’intégration atteignent d’ailleurs parfois des points rappelant l’assimiliation !
Et fort probablement, Madame Merkel n’est pas un leader de passage : elle est de la race des leaders au souffle long, perspicace et capables de laisser des empreintes.

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