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Turquie : urgence industrielle (1)

mardi 5 février 2008, par Ismet Berkan, Marillac

Comme j’avais critiqué le manque de liant et de perspective du plan pour l’économie annoncé par le gouvernement, un de mes lecteurs s’est proposé de me faire partager les remarques de Dani Rodrik un économiste de Harvard qui a donné une conférence à Istanbul le mois dernier.

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Même si l’intervention de M. Rodrik ne contient rien de nouveau en ce qui concerne la Turquie, elle n’en demeure pas moins frappant par un côté. On n’a de cesse de dire que la Turquie dispose d’un potentiel de croissance important du fait de sa population jeune et dynamique. Et bien souvent de ce seul fait. Il n’est pas jusqu’au Président du PNUD, Kemal Dervis qui avec Faiz Öztrak, député du CHP en charge de l’économie dans ce parti et de l’économiste Yusuf Isik, dans un travail réalisé en commun prédisait que la Turquie du seul fait de sa progression démographique pouvait prétendre à une croissance de 3,5 – 4 % par an.

Bien mais il reste à savoir si nous sommes prêts à nous contenter de cette croissance minimum ou si nous sommes prêts à envisager des rythmes de croissance de 8 ou 10 % ?

D’après Devis, quand des pays comme l’Inde et la Chine sont capables d’atteindre 10 à 12 % de croissance annuelle il est tout à fait faux de ne viser qu’un peu moins de la moitié pour la La Turquie devrait progresser à un rythme d’au moins 8 % (pour 2007, on s’attend à une croissance de 5 % ou moins, avec une inflation qui de 4% en objectif a été multipliée par deux).

Un projet pour des atouts ?

Bien et que faisons-nous donc de cette jeune et dynamique population ? Dani Rodrik s’est posé la question et a cherché la réponse.
D’après les chiffres de ce chercheur, la population active turque entre 2001 et 2005 a cru de 3,4 millions de personnes. Sans parler des 1,5 millions de personnes venues du secteur agricole et qui se sont déversées sur le marché. Soit 4,9 millions de travailleurs.
10,4% de ces gens-là travaillent dans l’industrie. 31,9% dans les services. 57,7% ne travaillent pas.
Et toujours d’après Rodrik, si nous avions été en mesure d’employer l’intégralité de ces personnes dans le secteur industriel, le revenu par habitant en aurait cru de 20,2 % ! Et ce pour une raison simple : la valeur ajoutée produite dans le secteur industriel est bien plus élevée que dans les deux autres secteurs !

Dani Rodrik lie les développements de tous ces pays en phase d’industrialisation à des politiques industrielles pilotées par les pouvoirs publics. Or en Turquie, malheureusement, il n’existe pas de politique industrielle digne de ce nom. Et sans politique industrielle, pas de politique de l’emploi industriel.

Et de ce point de vue, si nous visons un développement économique rapide comme un niveau de revenu élevé, il nous faut développer des politiques industrielles et mettre en place des systèmes d’incitations qui nous permettent de ne pas répéter les erreurs du passé. Nous nous devons de configurer ainsi notre modèle de croissance adossé aux exportations.

Or en ce moment, nous nous contentons d’attendre que le libre marché veuille bien favoriser un processus d’industrialisation et que les investisseurs se lancent dans la construction de nouvelles unités productrices en fonction des signaux captés sur le marché. C’est juste, il convient de ne pas trop intervenir dans les mécanismes du marché et de s’assurer que les développements puissent se réaliser grâce au marché. Mais il ne faut pas que cela constitue un obstacle à la mise en place d’une politique industrielle comme au lancement d’une politique d’incitations publiques qui ne briseront pas les mécanismes du marché ni la concurrence.

Chez nous, quand on parle d’incitations, on voit tout de suite une série de privilèges. Mais ne considérons que les taux de TVA appliqués aux investissements (18%). Ne parlons donc pas d’incitations quand nous sommes à ce point créateurs d’obstacles.

Aujourd’hui les incitations appliquées à échelle départementale sont très diverses et jouent parfois contre les activités des départements voisins. Le gouvernement ne se pose même pas la question de ces incohérences et du remède à leur apporter. On n’en parle pas dans le plan d’action annoncé.

Or la Turquie a besoin de toute urgence d’une analyse des capacités concurrentielles à échelle départementale comme de la conception d’un politique industrielle. Ou bien ce fameux « take-off » dont nous parle le premier ministre ne s’accomplira, s’il s’accomplit jamais, qu’au petit bonheur la chance.

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Sources

Source : Radikal, le 16-01-2008

- Traduction pour TE : Marillac

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