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Turquie : sursaut de l’opposition sur la question kurde ?

lundi 30 mai 2011, par Oral Çalışlar

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Kemal Kiliçdaroglu, le Gandhi turc

La volonté du CHP de participer à une solution, de contribuer à renforcer la dimension civile du processus de pacification, est une situation à même de mériter notre attention. Le principal parti d’opposition parlementaire, autrefois figé sur une ligne nationaliste et conservatrice, multiplie les signes de dégel sur de nombreuses questions à commencer par le problème kurde : accueilli par une foule nombreuse à Hakkari - une région kurde qui n’avait accordé à son parti que 47 suffrages en 2007 - le leader du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, a récemment multiplié les déclarations d’ouverture, quand le premier ministre, en déplacement dans la même région, se voyait accueilli par une opération ville morte.

Certains titres du nouveau programme avancé par le CHP [Principal parti d’opposition parlementaire, gauche nationaliste, héritier du kémalisme fondateur de la république turque, NdE] sur la question kurde et sur la question des collectivités locales contiennent des éléments assez peu proches de la ligne suivi par ce parti et son leader Kılıçdaroğlu jusqu’au référendum du 12 septembre dernier, des éléments dont on n’aurait même pas pur rêver durant la période de son prédécesseur, Deniz Baykal. Sous la baguette de Baykal, le CHP n’avait pas renoncé à s’adosser au militarisme et au despotisme bureaucratique, il n’avait laissé aucune place à la réflexion quant à une solution démocratique.

« Les obstacles à l’enseignement en langue maternelle (entendre, en langue kurde, NdE) seront surmontés », « Les restrictions sur les normes européenne en termes d’autonomie locale seront levées », « le barrage électoral des 10% sera supprimé », « une commission indépendante chargée des recherches sur ce qui s’est passé au cours des périodes précédentes sera fondée ». Voilà quelques-unes des idées avancées par le CHP au cours de cette campagne. Et du point de vue de ce parti, elles signalent une nouvelle avancée.

Les réactions de l’AKP ne sont plus les mêmes que par le passé

Une grande partie de l’opinion publique était d’avis que sur la question kurde, l’AKP était, jusqu’à récemment, bien plus en avance que le CHP. De nombreuses avancées ont été réalisées malgré le CHP :

La plus vive réaction au lancement de la chaîne en langue kurde, TRT Şeş, est venue de Deniz Baykal. La diminution des effectifs militaires, la réduction de la période de service militaire ou la professionnalisation de l’armée, c’ étaient autant de propositions face auxquelles le CHP de Baykal était devenu la citadelle du statu quo.

La ligne étatiste et farouchement nationaliste de ce parti, tout particulièrement durant les vingt dernières années, a contribué à durcir le CHP, a créé un sérieux conservatisme dans sa base. Le conservatisme a apporté, et désespoir et échec au CHP. Ayant, malgré tout, réussi à renouveler dans une proportion importante les cadres de ce parti, Kılıçdaroğlu semble comme être conscient de la nécessité d’inverser cette tendance conservatrice. La nouvelle direction du parti donne de plus en plus de messages ouverts au changement. Ce qui ne veut pas dire, bien évidemment, que le CHP « a tout arrangé, qu’il a complètement changé ».

L’AKP, qui fait preuve de réactions différentes sous l’effet de la campagne électorale, s’est même mis à critiquer le CHP sur le point du renforcement des collectivités locales. Hier le premier ministe a déclaré dans la ville de Şırnak (sud-est, région kurde) : « À ceux qui veulent l’autonomie, il promet l’autonomie. Il n’y a pas de limite... »

Les remarques de Bülent Arınç relatives aux paroles prononcées par Kılıçdaroğlu à Hakkâri (sud-est, frontières irakienne et iranienne, région kurde) sont intéressantes : « Malheureusement, lors de ses visites dans la région, Kemal Kılıçdaroğlu se retrouve sur la même ligne que le BDP (Parti pour la paix et la démocratie, pro-kurde). Il en dit même plus que le BDP. Pour se faire applaudir, il adopte sur des sujets qui leur sont sensibles des positions qu’on n’aurait pas attendues du CHP, étant donné son identité institutionnelle. C’est déplorable, ce n’est pas ainsi que l’on peut répondre à la question kurde. »

Et le premier ministre Erdogan de poursuivre : «  Tu prendras la défense d’une organisation terroriste, tu feras baisser le rideau de ta permanence électorale de concert avec l’organisation terroriste, tu te feras l’avocat d’Ergenekon, tu parleras d’amnistie générale, tu couvriras les agissements des bandes de brigands, […] puis tu feras soudain volte-face... Mais comment tout cela est-il possible en même temps ? »

Le nouveau discours du CHP et la possibilité d’une solution

Face à ce CHP en pleine évolution, le fait que l’AKP dise qu’ils « se lancent dans le séparatisme » qu’il avance des analyses du genre que le CHP, le BDP et le PKK ont conclu une alliance, peut avoir de l’effet sur les suffrages nationalistes.

Mais il est un risque que ce discours développé dans le cadre d’une stratégie de campagne puisse constituer les fondations d’un discours politique de plus long terme.
On peut interroger sur bien des points l’agenda des efforts de mutation interne du CHP sur la période récente. Il n’en reste pas moins que la volonté du CHP de participer à une solution, de contribuer à renforcer la dimension civile du processus de pacification, est une situation qui mérite de retenir notre attention.

L’adoption d’une langue mâtinée d’étatisme par l’AKP, un parti visant le nombre suffisant de députés pour une nouvelle constitution et semblant avoir garanti son retour seul au pouvoir, est en mesure de porter atteinte à son image de réformateur et de compliquer la perspective d’une solution.

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- Turquie, une gauche irrécupérable

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Sources

Source : Radikal, le 25-05-2011

- Traduction pour TE : Marillac

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