Logo de Turquie Européenne
Accueil > Revue de presse > Archives 2011 > 11 - Articles de novembre 2011 > Turquie : Le PKK veut la guerre, il l’aura !

Turquie : Le PKK veut la guerre, il l’aura !

vendredi 4 novembre 2011, par Ahmet Altan

Il nous semble intéressant de reprendre cet article dont la traduction est parue dans Courrier International. Ahmet Altan est très souvent soupçonné par ses détracteurs de complaisance, sinon de complicité avec les « terroristes » du PKK. Il accuse ici le PKK de ne pas souhaiter la démocratie mais de jouer l’escalade pour instaurer un état sous sa botte. Mais il accuse en même temps les autorités turques de fermer la porte à toute solution négociée.

JPEG - 16.6 ko
Des soldats turcs transportent les cercueils de leurs camarades tués dans l’attaque du PKK, 20 octobre 2011.

Le 18 octobre, 24 soldats turcs ont été tués dans des attaques menées par des séparatistes kurdes du PKK. Les Kurdes tournent le dos à une solution politique, estime le quotidien indépendant Taraf.

L’attaque menée mardi soir par le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK] dans le sud-est du pays sur huit objectifs différents et qui s’est soldée par la mort de 24 soldats turcs dépasse la notion d’acte terroriste et s’apparente à la guerre. Avant de s’interroger sur les objectifs et les intentions du PKK, il convient tout d’abord de se demander comment une opération militaire aussi meurtrière a été possible. En effet, le PKK a attaqué au même moment huit objectifs différents, a infligé de lourdes pertes à l’armée turque avant de se replier sans subir de dommages importants. [L’armée turque a riposté en bombardant les bases arrière du PKK dans le Kurdistan irakien.] Pour réaliser une telle opération, ils ont dû pendant plusieurs jours déplacer des armes lourdes à dos de mule et les entreposer dans la région. Comment, avec tous ces drones, ces satellites et je ne sais quoi encore, les services de renseignements turcs n’ont-ils pas observé ces mouvements ? Comment se fait-il que des informations concernant la préparation d’un objectif aussi ambitieux ne soient-elles pas venues aux oreilles de nos services spécialisés ? Cela traduit en tout cas une grande faiblesse de la part de notre armée. Il est facile aujourd’hui de dénoncer le PKK et de se fâcher, mais il faudra aussi, plus tard, faire la lumière sur les circonstances précises qui ont mené 24 de nos enfants à la mort.

Même s’il est encore loin de remporter une victoire militaire, le PKK a réussi ce qu’il voulait, à savoir relancer la guerre. Cela fait d’ailleurs longtemps que le PKK poursuit cet objectif. Mais dans quel but ? Certainement pour pousser la population kurde à la guerre et ainsi provoquer une guerre civile. Mais pourquoi ? Pour la démocratie ? Pour les droits du peuple kurde ? Il est difficile de croire qu’un PKK, qui dénonce les Kurdes syriens qui se sont opposés au dictateur Bachar El-Assad, se montre sensible à la démocratie et aux droits des Kurdes. A un moment où en Turquie on va jusqu’à débattre de questions telles que le statut d’autonomie et l’enseignement officiel dans la langue maternelle pour les Kurdes, le PKK tente de fomenter une véritable guerre civile au prétexte que « le gouvernement AKP n’en a pas fait assez ». Pourtant ce même PKK n’a aucun problème avec la dictature syrienne qui assassine des leaders kurdes et qui n’octroie même pas la nationalité syrienne à ses propres citoyens kurdes. Comment une telle incohérence est-elle possible ?

En fait, ce que le PKK veut, c’est un bout de territoire où il pourrait gouverner, non pas en vertu des règles démocratiques, mais par la force des armes. Sachant qu’il ne pourra l’obtenir tout seul, il espère que grâce à des provocations impliquant la population kurde dans cette guerre, il obtiendra ce qu’il souhaite. Dans ce contexte, le peuple kurde est le seul à pouvoir décider si cette option lui convient ou pas, s’il veut vivre ou non sur un territoire indépendant géré par le PKK. Il faudrait donc que les Kurdes puissent se prononcer librement sur la question. En effet, tant que les Kurdes ne pourront pas s’exprimer librement sur la question de l’indépendance, le manque de clarté régnera en maître et c’est le PKK qui en profitera.

A une époque où la lutte armée est devenue anachronique, 24 de nos jeunes ont encore été tués. Ils sont les victimes de ceux qui se nourrissent de cette incertitude. Il faut donc plus de liberté pour la Turquie et pour les Kurdes, seul moyen d’en finir avec ce conflit.

Télécharger au format PDFTélécharger le texte de l'article au format PDF

Sources

Article publié le 20 octobre 2011 sur Courrier International sous le titre « Le PKK veut la guerre, il l’aura ! »

Article original du journal Taraf (en Turc) « Savaş »

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0