Une fois la nuit tombée dans les montagnes glaciales qui entourent Erzurum, il est déconseillé de mettre un pied dehors. Depuis toujours, les histoires d’imprudents morts gelés ou ensevelis par la neige en allant chercher du bois font frissonner les enfants de la région.
Dans cette contrée au climat rude surnommée la « petite Sibérie », au nord-est de la Turquie, les températures descendent fréquemment sous les - 30 °C pendant les nuits d’hiver. Une épaisse couche de neige s’installe en novembre, engloutit les routes et habille les maisons, pour ne disparaître qu’au mois de mai, découvrant des reliefs pelés. Erzurum est la ville la plus froide du pays.
Située à 1 800 m d’altitude, cette petite cité un peu austère de l’ancien royaume d’Arménie, célèbre pour avoir été le lieu de la proclamation de la République turque par Mustafa Kemal, vit un véritable renouveau depuis que les touristes affluent pour y pratiquer les sports d’hiver. Sur les hauteurs de la ville, le village de Palandöken s’est transformé en une petite station de ski pimpante et familiale.
Encore méconnue, cette région de Turquie proche du Caucase est l’une de ces nouvelles destinations dans l’offre, de plus en plus internationale, des séjours au ski. Du sommet de la montagne, à près de 3 200 m d’altitude, le vent froid cingle le visage mais la vue sur le plateau alentour est magnifique. Sur les pentes, la clientèle est essentiellement russe et ukrainienne. On croise aussi quelques familles de la bourgeoisie iranienne.
La plupart des Turcs préfèrent les stations de l’ouest du pays. Les Européens commencent également à découvrir les charmes de cette destination encore confidentielle. « C’est un endroit tranquille, familial et proche de la nature, explique Mehmet Varol, jeune gérant de l’hôtel Dedeman. Même s’il y a beaucoup de choses à améliorer dans l’organisation et la sécurité, nous commençons à nous faire connaître. » En bas des pistes, à 1 800 m, trois hôtels supplémentaires se sont ajoutés au fil des années, et offrent un refuge chaleureux, une fois la nuit tombée.
Le domaine skiable de Palandöken, composé d’une vingtaine de pistes, s’étend sur plus de 35 km. Sept nouvelles descentes ouvriront dès 2009. Une étendue modeste, en partie publique, en partie exploitée par les hôteliers, qui est, selon les spécialistes, largement compensée par une qualité de neige unique en Europe et un dénivelé intéressant. La partie hors-piste, elle, est illimitée. Des hectares de poudreuse fraîche. C’est ce qui attire de plus en plus d’adeptes du free ride, le « ski libre ». Une agence de voyages d’Istanbul, tenue par un Français, David Guigaz, tente d’attirer les amateurs de nature et de pentes immaculées. « La neige est d’une qualité extraordinaire, sans doute la meilleure en Europe, confirme M. Guigaz. Mais on n’y vient pas encore pour le domaine skiable, un peu limité, mais plutôt pour les randonnées et le hors-piste. »
Neige soyeuse
Dans les monts Kaçkar, qui culminent à 4 000 m, pas très loin de Palandöken, une compagnie suisse s’est lancée dans l’« héliski », et dépose donc en hélicoptère des skieurs de haut niveau sur les sommets, là où personne ne peut aller par ses propres moyens. « Cette agence fait le plein toute l’année, notamment avec des Français », indique M. Guigaz.
A une centaine de kilomètres de Palandöken, la station de Sarikamis, « le pin jaune » en turc, est, comme son nom l’indique, nichée au cœur d’une forêt de pins protégée. Là aussi la neige est soyeuse, et tombe en quantité.
On se demande comment, jusqu’à ces dernières années, ce territoire de plus de cent hectares a pu être délaissé. De novembre à avril, voire mai, les télésièges font la navette entre les deux seuls hôtels et le sommet de la montagne, planté d’un drapeau turc géant.
Les huit pistes serpentent à travers les arbres, dans un décor exceptionnel, à peine troublé par quelques grappes de skieurs. Les investissements récents et les remontées mécaniques modernes donnent à la station une allure de village suisse. « On peut pratiquer la luge, la randonnée. Nous voulons aussi développer les promenades en motoneige... » précise Aymila Özgür, directrice de l’hôtel Toprak.
Cette « petite Sibérie » turque devrait prendre son essor touristique dans les années à venir. C’est le projet des autorités régionales. Erzurum doit accueillir en 2011 les Universiades, sorte de Jeux olympiques d’hiver universitaires. Des milliers de concurrents venus du monde entier vont découvrir la neige de Palandöken et de Sarikamis. Les deux stations vont s’étendre, ajoutant trois à cinq pistes.
A Palandöken, un « snow park » va également ouvrir, et le directeur de l’hôtel Dedeman, situé à mi-piste, souhaite attirer les surfeurs, pour se diversifier et rajeunir son image. Les remontées mécaniques, un peu vieillissantes, vont être modernisées.
De nouveaux hôtels vont sortir de terre. Et une station va même être créée ex nihilo, avec une aire consacrée au ski nordique, un tremplin pour le saut et une patinoire. Elle verra le jour à Konakli, à 15 km d’Erzurum, où un espace entièrement vierge attend d’être exploité. « La Turquie n’est pas encore très connue pour les sports d’hiver. Mais ça va changer », sourit Kasim Yekeler, le gouverneur adjoint de la province, qui veut faire du tourisme la source de revenus principale pour cette région déshéritée du pays. Avec l’ambition d’organiser, un jour, les vrais Jeux olympiques.
Infos pratiques :
Accès et forfaits :
Accès : En avion de Paris à Istanbul, avec Air France (3 vols quotidiens) : à partir de 287 € l’aller-retour (tél. : 3654) et correspondance pour Erzurum (à 6 km de Palandöken), ou Kars (à 53 km de Sarikamis). Egalement vol de Paris, via Istanbul, pour ces deux destinations avec Turkish Airlines (tél. : 01-56-69-33-50 et www.thy.com).
Forfaits : Des formules avion-hôtel sont proposées à Istanbul, notamment Marmara, Pacha Tours, Nouvelles Frontières, Voyageurs du monde. Pour le séjour ski, s’adresser à l’agence de voyage Evasion à Istanbul (tél. : 0090-212-273-29-70 et info@evasion-voyage.com).
Etapes et location de skis
Etapes : Hôtel Dedeman Palandöken (à 20 min de l’aéroport), 4-étoiles, sur les pistes. A partir de 130 €, pour deux en chambre double et pension complète, accès aux remontées mécaniques inclus : tél. : 0090(442)316-24-14 et www.dedeman.com/Palandoken.aspx.
Hôtel Toprak Sarikamis, 5-étoiles. A partir de 160 € pour deux en chambre double et en pension complète, forfait ski inclus. Sarikamis Oteli Cibiltepe Mevkii Sarikamis-Kars, tél. : 0090(474)413-41-11 et www.sarikamistoprakhotels.com.
Location de skis : 17 € par jour à l’hôtel Dedeman Palandöken, ou 20 € au Toprak Sarikamis.
Lectures et office du tourisme :
Lectures : « Guide du routard » Turquie (Hachette) et Lonely Planet.
Office de tourisme turc : à Paris, tél. : 01-45-62-78-68, et www.infosturquie.com.