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Politique turque : d’une pierre trois coups

lundi 1er décembre 2008, par Cüneyt Ülsever, Marillac

Je l’ai déjà écrit hier. Parmi tant de problèmes qui accablent ce pays, il en est trois qui l’épuisent de façon chronique : ce sont les droits dont on prive les étudiants sunnites qui portent le voile ou sont issus de lycées professionnels, les alévis et les Kurdes. Je pourrais même dire que ces droits dont on les prive sont la cause de la persistance de bien d’autres problèmes.

Dans ces trois cas, pour une raison ou une autre, il est question de droits dont on prive les gens. En outre, quand bien même ces trois problèmes pourraient sembler dissociés les uns des autres, tant qu’ils ne seront pas résolus sur le fond simultanément et ensemble, toute solution partielle sera vouée à l’échec par manque d’équilibre.

Pour qu’une solution ne permette pas d’empiéter sur l’espace de liberté de l’autre ou pour qu’elle ne soit pas perçue comme si elle menaçait la liberté de l’autre, elle est contrainte de définir très précisément les limites de chaque droit.
Les principes démocratiques d’équilibre et de contrôle l’exigent.
Parce qu’en se mettant à résoudre les problèmes d’un groupe particulier, il ne faut pas non plus inoculer aux autres groupes la peur de ce que ce groupe pourrait faire de ces nouveaux droits acquis.

A la veille d’une élection, les récentes ouvertures du CHP (parti de gauche nationaliste), du MHP (parti d’extrême droite nationaliste) et de l’AKP (parti au pouvoir) me semblent porter quelques espoirs.

* *

Bien mais que faudrait-il faire ?
Je vais vous dire ce qui me vient à l’esprit.

1) Il faut que l’on puisse entrer à l’université avec le voile si on le porte.

2) Il faut abolir la différence de coefficient appliqué à l’examen d’entrée pour les jeunes issus du lycée professionnel. Un étudiant doit pouvoir changer d’orientation à chaque instant. Et comme les questions des concours d’entrée à l’université sont calées sur les programmes des lycées généraux, il est d’ores et déjà acquis que les titulaires d’un Bac Pro partent avec un handicap. [ Les lycées d’Imams et de Prédicateurs dans laquelle la frange conservatrice de la société turque aime à envoyer ses enfants sont considérés comme des lycées professionnels. Le coefficient différent permet de barrer la route de l’enseignement supérieur à ces jeunes, NdT]

3) Il faut interdire très clairement l’utilisation de tous les symboles religieux pouvant ouvrir la voie à des discriminations religieuses, ethniques et politiques, à tous les fonctionnaires. Et garantir cette interdiction en la gravant dans le marbre de la constitution. Il faut en outre préciser très clairement dans le même texte que le voile est un symbole religieux car il peut être perçu par une personne bénéficiant du service public mais ne se couvrant pas la tête comme une menace de discrimination.

4) Le cours de religion obligatoire doit être supprimé en tant qu’enseignement tourné exclusivement ou quasi exclusivement vers l’apprentissage d’une religion, d’une croyance, du dogme d’une communauté ou d’une confrérie. On doit faire de ces heures de cours un cours de religion et de civilisation.

5) Il faut instituer un cours de religion facultatif dont le programme doit être adapté selon les régions ou les demandes locales.

6) Les Cemevi [lieux de culte alévis, NdT] doivent être reconnus comme des lieux de culte, être rattachés à la Direction des Affaires Religieuses et en toucher donc les dotations budgétaires correspondantes. (Je suis un farouche opposant à la suppression de la Direction des Affaires Religieuses).

7) Les officiants des Cemevi doivent être traités sur un pied d’égalité avec les imams.

8) Il faut créer sans plus tarder une télévision en langue kurde. Et doivent intervenir dans le choix des programmes des spécialistes de la culture kurde.

9) Dans certaines universités définies, il faut créer des chaires d’Histoire et de Civilisation kurdes. Il faut lancer des programmes de recherche sur la langue et la littérature kurdes.

10) Il n’est qu’une langue officielle et c’est la langue turque. Cependant là où le besoin se fait ressentir, il doit être possible de choisir le kurde ou toute autre langue maternelle comme un cours facultatif.

* *

Je suis persuadé que les mesures que je viens d’énumérer pourraient largement soulager la Turquie. De plus, en privant l’AKP de la carte du voile, le CHP de la carte alévie et le DTP (parti pro-kurde, NdT) de la carte kurde, elles pourraient épargner à la Turquie les eaux peu profondes et croupies d’une politique étroite rivée sur les questions de croyance et d’identité.

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Sources

Source : Hürriyet, le 27-11-2008

- Traduction pour TE : Marillac

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