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Esprit laïc es-tu là ? (2)

mercredi 8 février 2006, par Henri Sylvestre, Reynald Beaufort

Turquie Européenne - 07/02/2006 et 9/02/2006 pour la réponse

Cet article est une réponse à l’éditorial du 6 février de Reynald Beaufort.

(...)

D’aucuns commencent à parler d’« un syndrome de Copenhague » devant la difficulté que les pays occidentaux ont à trouver une juste et commune réponse aux évènements découlant de la publication des caricatures. Coincés entre leur image de riches pays colonialistes, l’attitude des Etats-Unis, toujours religieux et ne connaissant que la dialectique militaire, la tentation est grande de faire le dos rond en attendant que ça se passe. Bien sûr ne soufflons pas sur les braises, bien sûr évitons de faire du bruit quand la voisine est malade (mais l’Islam est-il malade ?). A mon sens, ne pas réagir ne fait que le jeu des extrémistes et n’aide en rien les musulmans modérés qui peuvent souffrir de cette situation.

Lorsque l’on justifie la condamnation des caricatures, et de leurs auteurs, en prétendant qu’elles conduisent le bon peuple à assimiler tous les musulmans à des terroristes, n’est-ce pas prendre les gens pour plus stupides qu’ils ne sont ? A TE, nous connaissons la Turquie, y avons de nombreux amis, souvent de la famille. Nous savons bien que le pays ne compte pas 70 millions de terroristes ! N’importe quel « gaulois » a un copain de classe, un collègue de travail, un voisin, un ami, parfois un conjoint, musulman. Il sait bien qu’il n’y a pas 5 millions de terroristes en France ! Il sait bien, aussi, qu’il y a quelques individus qui font sauter des bombes, tuant des innocents, en en appelant au Prophète. Faudrait-il ne pas en parler ? Ne pas le traiter comme tout autre fait d’actualité, y compris par l’humour et la caricature ? Mauvaise conscience occidentale et mauvaise conscience musulmane s’allieraient alors pour faire de ces évènements une nouvelle forme de tabou et feraient tomber une chape de silence sur des agissements qui ne peuvent être acceptés. Comme beaucoup d’autres, malheureusement.

Notre mauvaise conscience occidentale, de ressortissants d’anciens pays colonialistes, bénéficiant de conditions de vie meilleures qu’ailleurs, nous met dans l’embarras lorsque nous devons exprimer nos valeurs, critiquer l’inacceptable, rappeler quelques principes qui ne sont pas forcément religieux. Taisons-nous puis que nous n’avons pas les cuisses bien propres ! Mais cela est, à coup sûr, laisser le terrain aux extrémistes et faire, en France, le jeu du FN. Eux, n’ont pas mauvaise conscience. Ils savent prendre les gens aux tripes plutôt que faire appel à leur intelligence, et ils n’hésiteront pas à transformer un nécessaire débat en ce choc des civilisations dont nous avons peur et qui alimente leur fonds de commerce. Le silence des modérés laisse la place aux extrémistes qui, quelque part, luttent à armes égales : intégrisme contre intégrisme. L’équilibre est certes difficile à trouver, mais le silence, l’abandon du terrain, le refus de la recherche des alliances nécessaires, ne conduisent qu’à valoriser ceux qui restent en présence.

Ne pas réagir, accepter, n’est-ce pas aussi abandonner les quelques voix qui s’élèvent pour dire qu’il est maintenant nécessaire de faire une nouvelle lecture du Coran et de la Sunna, reprendre les différentes interprétations qui en ont été faites dans l’Histoire, resituer l’Islam dans un monde qui n’est plus celui du 7e siècle. Est-ce un hasard si ces voix, encore isolées mais venant de tous les coins du monde musulman, sont souvent des voix féminines ? Les enjeux de pouvoir, pour elles, n’existent pas, et leurs seules références sont respect, tolérance, liberté, et une bonne dose de bon sens.

Beaucoup de choses pourraient encore être dites. Mais l’essentiel, pour moi, est d’affirmer que défendre ses valeurs n’est pas mépriser celui qui ne les partage pas. Les civilisations, les religions, se sont fondées sur les confrontations des idées, les guerres les accompagnant parfois n’ayant d’autres buts que la création d’empires. Nous pouvons en trouver de nombreuses preuves dans le monde d’aujourd’hui et c’est cela qu’il faut dénoncer. Nous sommes différents, nous avançons sur le même chemin, nous échangeons nos idées, apprenons à nous connaître, nous respecter. Nous aimer, pourquoi pas ? Pour cela la paix est nécessaire. La paix et l’égalité. L’égalité et la liberté. J’arrête là.

Carcassonne, le 07 février 2006-02-07

Editorial du 6 février : Caricatures de Mohammed : A qui profite la provocation ?


La réponse de Reynald Beaufort - 9 février 2006

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