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Enrichissez-vous !!!

jeudi 31 janvier 2008, par Marillac, Türker Alkan

Et vous à quoi rêviez-vous à l’âge de 16 ans ? Oh, ça dépend bien des personnes et des histoires personnelles. Certains pensaient au foot, d’autres à monter des ordinateurs. Ou échafaudaient de beaux rêves.

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Pour ma part et pour autant que je puisse me souvenir, je lisais des livres, j’écrivais des poèmes et je tombais amoureux.

Et les deux livres et demi d’argent de poche que me donnait mon père me suffisaient amplement. Il m’en restait même !
Et je n’ai jamais rêvé devenir riche.
A l’époque où j’étais étudiant à Sciences Po, il était même un peu honteux de courir après l’argent. A la question de savoir ce que nous envisagions de faire à la fin de nos études, on n’aurait jamais répondu qu’on visait une place très lucrative dans telle ou telle holding de réputation. On rêvait de trouver un poste où il nous serait possible de remplir une mission très respectable auprès du gouvernement. Cela n’a pas empêché certains de mes camarades de rentrer dans le secteur privé et de parvenir aux plus hautes places. Mais il ne l’avaient pas prévu dès le départ de leur carrière.
Je ne dis pas tout cela pour me lancer dans le genre de discours qui viendrait prétendre qu’il est honteux et intrinsèquement mauvais de gagner de l’argent comme de travailler dans le privé. Mais tout simplement parce que je reste persuadé qu’il est nécessaire à la jeunesse d’avoir d’autres idéaux que celui de gagner beaucoup d’argent.

Et quand je regarde les enfants des leaders de l’AKP [parti au pouvoir, islamo-conservateur, ndlr], je ne manque jamais de m’étonner de la façon dont ils ont éduqué leurs enfants. De tout jeunes adolescents se retrouvent à la tête d’immenses sociétés, achètent des yatchs et des bateaux et tirent énormément d’argent d’activités d’import-export.
Et leurs parents de se réjouir au plus haut point de leurs vies : « notre fils va devenir un vrai Bill Gates ! »

Mon ami Özdemir Ince a déjà publié sur ce sujet mercredi dernier. « Bill Gates est l’initiateur d’une vraie révolution dans le secteur de l’informatique, a-t-il écrit. Il ne s’est pas lancé dans le commerce de pop-corn en grandes surfaces en utilisant le pouvoir de son papa et les possibilités ouvertes par le premier ministre. »

N’en restons pas à l’AKP : nous pouvons faire remonter cette passion du golden boy à la vulgate özalienne [de Turgut Özal, leader turc qui initia la libéralisation et l’ouverture de l’économie dans les années 80, ndlr] du „petit coin de richesse“. « Allez les jeunes, votre objectif doit être de fonder votre petit coin de richesse. En avant, enrichissez-vous ! »
Enrichissez-vous ! Et de quelque manière que ce soit d’ailleurs ! [...]
Le Président Gül vient de célébrer les noces de sa fille. Il s’est livré à une cérémonie qui n’avait rien à envier au luxe et à la pompe aux noces des cours ottomanes. Ils ont aussi fait la promesse de consacrer la moitié des dons et cadeaux (pourquoi la moitié ?) à une œuvre de charité. Est-ce bien cela ? En ont-ils fait don ?
Cette histoire des cadeaux de mariage est importante. Le premier ministre Erdogan, sommé par un juge d’éclairer les sources de sa richesse n’a-t-il pas répondu qu’il s’agissait des cadeaux de mariage de son fils !
Et sur ces entrefaites, le nouveau président de YÖK [Conseil de l’Enseignement Supérieur] nommé par un AKP se décernant des lauriers socio-démocrates et se vantant de penser aux pauvres continue de distiller des perles de sagesse : « il faut rendre les universités payantes. Où voit-on encore des universités gratuites ? »

Mais c’est bien sûr ! N’est-il pas étrange d’ailleurs d’annoncer aujourd’hui qu’on ne poursuivra pas cette tradition de l’université gratuite lancée sous Atatürk dans un pays ruiné par les guerres alors que le pays est dirigé par un parti, l’AKP, qui n’a de cesse de prétendre que nous vivons des miracles économiques ?
Ne les voilà-t-ils pas en train de penser que « ma foi si les pauvres n’étudient pas, c’est pas si grave que cela ? »
Le représentant du ministère de l’éducation nationale dans le canton de Karakoçan n’a-t-il d’ailleurs pas répondu à des jeunes filles réclamant un service de transport pour le lycée que « le lycée n’était pas obligatoire. Et que si elles avaient de l’argent, elles pourraient aller à l’école et que dans le cas contraire elles n’avaient qu’à se marier ! »

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Sources

Source : Radikal, le 11/01/2008

- Traduction pour TE : Marillac

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