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Chypre : des propositions réalistes

lundi 13 mars 2006, par Ferai Tinç

© Turquie Européenne pour la traduction

© Hürriyet, le 10/03/2006

Journaliste et éditorialiste du journal Hürriyet, Madame Ferai Tinç revient aujourd’hui sur une question chypriote qui, si elle ne fait actuellement pas les gros titres de l’actualité, connaît une évolution lente et tectonique des positions diplomatiques européennes notamment. Après la visite historique de Jack Straw, le chef du Foreign Office, au nord turc de Chypre qui devait irriter les dirigeants officiels et grecs de l’île, c’est un think tank bruxellois réputé et bien introduit dans l’ensemble des milieux diplomatiques européens qui se charge de lancer un ballon d’essai en direction d’une solution solide et définitive sur l’île.

- Rapport de l’ICG

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De prime abord on peut être tenté de n’y voir qu’un rapport parmi d’autres mais le document publié le 8 mars par le think tank International Crisis Group (ICG) est d’une nature différente.

Alors que les relations turco-européennes se raidissent de nouveau à l’occasion de la première réunion officielle depuis le 3 octobre et le début des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE, la publication du rapport sur Chypre de ICG avance la possibilité nouvelle d’une ouverture.

La spécificité de ce document n’en reste pas à la dénonciation de l’attitude de Papadopoulos (le Président de la République de Chypre, de facto grecque, ndlr) et des chyprogecs en général. Il revêt une importance bien plus grande. Il souligne combien une solution ne sera possible qu’en cas de contribution synchronisée des différentes parties au « conflit ». De toutes les parties.

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A Vienne, on a exigé de la Turquie qu’elle applique immédiatement le protocole additionnel à l’accord d’union douanière qui la lie à l’UE et qui doit être élargi aux dix nouveaux pays membres dont Chypre. Il lui a été répété la nécessité d’ouvrir les ports et les aéroports comme d’autoriser le commerce direct avec la République de Chypre. On dit encore que sans cela les négociations d’adhésion à l’UE n’avanceront pas. C’est une situation nerveusement épuisante.

Pour que la Turquie puisse faire un pas sur la question chypriote, il est impératif que soient réaffirmés par l’UE à la fois la confiance et le principe de traitement juste et égal qu’elle n’a pas peu oublié ces derniers temps.

Le fait que l’UE se soit retrouvée à la remorque des tactiques chyprogrecques (ou bien qu’elle les aient suivies en toute connaissance de cause) rend aujourd’hui ses initiatives et incitations complètement inopérantes. En Turquie, aucun gouvernement ne sera jamais en mesure de faire un pas de plus sans que l’opinion publique ne se soit convaincu de l’idée selon laquelle on est entré dans un processus juste et équilibré. Tout simplement parce qu’il ne le peut pas.
C’est la raison pour laquelle le rapport de l’ICG et l’approche qu’il contient est si importante.

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Tout d’abord afin de mesurer le poids de ce think tank il est pertinent de savoir de qui il se compose. A sa tête se trouvent l’ancien commissaire européen aux affaires étrangères, Lord Chris Patten et l’ancien ministre australien des affaires étrangères, Gareth Evans.
Chris Patten fut aussi l’ancien et dernier représentant britannique à Hong-Kong et c’est à cette époque que remonte son amitié avec Evans.

Parmi les sources de ce groupe qui s’apparente à une ONG indépendante figurent les chancelleries des pays européens dont la Turquie. C’est dire que ce rapport, tout comme il risque d’influencer les coulisses diplomatiques du continent a été rédigé en étant influencées par l’ensemble de leurs visions et positions. Le point sensible du rapport est donc de ce point de vue important.

Dans un document rédigé avec en point de mire une méthode selon laquelle une solution est envisagée comme une équation, ce sont des efforts synchronisés de toutes les parties depuis les Grecs de Chypre jusqu’à leurs voisins turcs en passant par la Turquie, la Grèce, l’UE les USA et l’ONU qui sont demandés.

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Alors que la Turquie est appelée à tenir ses promesses faites à l’UE, Bruxelles est également invitée à tenir les siennes à l’endroit des Chyproturcs comme à trouver les moyens de l’aide et du commerce direct pour faciliter leur intégration à l’UE.

Le rapport demande que l’UE élargisse l’union douanière qu’elle a développée avec la Turquie au nord turc de Chypre en ouvrant un bureau de la commission dans cette partie de l’île. Il s’agit-là d’un exemple parmi d’autres.
L’ensemble des propositions reflète une conception de la solution sur l’île basée sur un système de concessions et d’ouvertures réciproques.

Le réalisme du rapport se tient précisément là. L’UE doit se rendre compte que chacune de ses intitiatives prises à l’encontre du principe d’égalité de traitement contribue un peu plus à boucher toute perspective de solution et la Turquie doit comprendre que si elle en venait à perdre l’intérêt qu’elle manifeste aujourd’hui pour une solution négociée, elle serait bien incapable de se dépêtrer de cette affaire.

Si cette égalité dans l’approche européenne venait à prendre corps, l’ouverture des ports et des terminaux aériens turcs ne poserait aucun problème et cela sans parler même de la ratification du protocole additionnel par le Parlement turc. Parce que dans ce cas de figure, nous pourrions justifier de telles mesures.

© Hürriyet, le 10/03/2006

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