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Les épées sont tirées de longue date, le point le plus brûlant ayant été atteint lors des enquêtes menées au sein du MIT [1]…
Certaines personnalités importantes étaient alors intervenues et avaient déployé de gros effort pour éviter que le conflit entre l’AKP et la confrérie ne prenne de trop vastes proportions.
C’est lorsque le conflit a commencé à se faire sentir au sein de la police et la justice [noyautés par les gülenistes] que nous avons vu la question de la fermeture des cours du soir ou de leur transformation en école privée faire leur entrée dans le débat public. C’est à ce moment là que la flèche a été décochée.
Je fais partie de ceux qui suivent la confrérie, ses stratégies d’organisation et sa trajectoire politique de près.
Cela a commencé en 1975 avec le livre « Les camps de lumière »…
Entre-temps 38 ans ont passé…
J’ai écris en tout et pour tout huit ouvrages sur la question…
Le mouvement Gülen a pris son véritable élan dans les années 80, avec l’adoption de la Constitution de 1982.
Gülen amorce alors un virage fondamental en rompant avec le mouvement de la Nouvelle Asie de Mehmet Kutlular [l’un des leaders du mouvement nurdju] et répondant favorablement aux exigences de Kenan Evren [général à l’origine du coup d’État de 80] sur le soutien à la Constitution.
Le rôle de Turgut Özal a été déterminant au cours de cette période du coup d’Etat du 12 septembre.
C’est une bien longue histoire…
Même si cette ligne politique prend aujourd’hui le nom de « chaine de services » [comprendre rendre service – hizmet, autre nom du mouvement - afin de se constituer un réseau d’influence et un certain nombre d’obligés], Gülen avait déjà tissé à l’époque des relations étroites avec Turgut Özal, Süleyman Demirel, Bülent Ecevit et certains membres du CHP.
Il avait également entretenu ses relations à la fois avec Tansu Çiller et Alparslan Türkeş, sans considération partisane.
Une seule personne manquait à l’appel : Necmettin Erbakan…
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L’écroulement de l’Union Soviétique, la chute du mur de Berlin ont profité à la confrérie Gülen.
Les universités, les écoles…
Les institutions financières…
Aujourd’hui les banques…
Les écoles, un marché qui s’étend de la Russie à l’Afrique…
Leur volonté de remettre les clés de toutes les écoles au général Çevik Bir durant l’épisode du 28 mars [1997, coup d’Etat « post-moderne » contre le parti islamiste de la Prospérité au pouvoir]…
Rajoutons sans plus attendre…
Recep Tayyip Erdoğan qui rend visite à Gülen et lui baise la main [signe traditionnel de respect] avant les élections de 1994.
C’est une longue histoire…
L’entrisme des gülénistes au sein de la police et de la justice ne date pas de l’arrivée au pouvoir de l’AKP après les élections de 2002, elle a commencé dans les années 80 et s’est poursuivie dans les années 90.
Leur influence au sein de la justice atteint son apogée en 2013… [avec le procès Ergenekon]
Dans la police on leur a brisé les ailes…
Ils n’ont plus non plus leur influence d’antan au sein de l’Éducation Nationale.
Les luttes d’influence et de partage du pouvoir battent leur plein…
Un dirigeant comme Erdoğan n’est pas du genre à pardonner ce que les gülenistes se permettent de déclarer en coulisses…
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Si vous jetez un œil au site herkul.org [appartenant aux gülenistes], vous comprendrez l’origine de cette lutte de pouvoir.
En premier lieu il y a bien entendu la question des cours du soir…
Et puis la police, la justice et le MIT.
Les relations avec Israël…
Si l’on remonte un peu en arrière, la sortie « van munit » [« one minute »] d’Erdoğan lors du sommet de Davos [2009], l’affaire du Mavi Marmara avec l’intervention sanglante des forces spéciales israéliennes, la Syrie et Al Nusra…
Je pourrais multiplier les exemples.
Ces propos de Fethullah Gülen prouvent l’ampleur de la guerre qui fait actuellement rage.
« Si Pharaon et Aaron sont contre vous, cela signifie que vous avez choisi la bonne voie… »
Cette lutte d’influence et de pouvoir n’ira qu’en s’aggravant…
Nous verrons alors qui du pouvoir ou de la confrérie est le plus redoutable !
Car chacun a jeté le gant à la face de l’autre…
Il ne semble plus y avoir de retour possible.
Les propos de Gülen l’expriment on ne peut plus clairement :
« Nous ne pouvons pas croire que ceux qui nous sourient en public [sous-entendu : et nous poignardent dans le dos] soient capables de tant de bassesse ! »
Nous verrons bien quelles en seront les conséquences aux élections locales.
Selon certains le mouvement Gülen pèserait entre 5% et 7% des votes.
Mais peu importe au final que cela soit vrai ou non !
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De même je ne sais pas si ces voix sont susceptibles de se porter sur un autre parti, le CHP par exemple.
Cela dépend du candidat !
Mais on peut affirmer ceci :
Gülen a des interlocuteurs au sein du CHP !
Attendons que les candidats se déclarent et d’arriver en janvier ou en février…
Difficile de se prononcer dès à présent !
Tout ce que l’on peut dire pour le moment, c’est que les hostilités vont se poursuivre…
Erdoğan ne pliera pas !
Il ne se laissera tordre le bras par personne !
Mais que personne ne se prenne à espérer en un éclatement de l’AKP afin d’en récupérer quelque avantage.
Venons-en à Diyarbakir [2].
Un show extraordinaire…
Avec Erdoğan, Barzani, Şivan et Tatlıses en piste…
Paix, liberté, démocratie…
Longue vie à Erdoğan…
Erdoğan sur scène, avec à sa droite Şivan, à sa gauche Tatlıses…
Mais où étaient donc Osman Baydemir, le maire de la ville et les autres membres du BDP ?
Nulle part !…
D’une pierre cinq coups.
Elections, Kandil, la Confrérie, BDP et PYD…
Oyez oyez !…