Pour la deuxième année consécutive, des citoyens turcs se sont rassemblés dimanche dernier, à l’occasion du 24 avril, date symbole marquant pour les Arméniens le début du génocide de 1915. Pour la première fois, depuis Paris, des Arméniens ont salué ces initiatives.
Si en 2010, ces manifestations du souvenir s’étaient déroulées dans la seule Istanbul, sur la place de Taksim ainsi que, côté anatolien, sur le perron de la gare de Haydarpacha, point de départ des premières déportations, elles ont eu lieu, cette année, en plusieurs grandes villes de Turquie. Outre Istanbul, des rassemblements ont été organisés à Ankara, la capitale, à Izmir, la métropole égéenne, à Diyarbakir, la grande ville du sud-est anatolien, ainsi qu’à Bodrum, station balnéaire du sud de la côte égéenne.
À Istanbul, une foule s’est rassemblée place de Taksim dès 17 heures. La manifestation s’est déroulée sans incident, malgré la présence de contre-manifestants.
Ont notamment participé à la cérémonie : Arat Dink, Fethiye Çetin, Masis Kurkçugil, Zeynep Tanbay, Yildiz Onen, Osman Kavala, Ahmet Insel, Dogan Tarkan, Ufuk Uras, Yigit Ekmekçi, Aysegul Altinay, Atilla Aytemur, Ayça Damgaci, Gencay Gursoy, Tayfun Mater, Cengiz Aktar, Yavuz Onen, Yalçin Ergundogan, Ferhat Kentel et Garo Paylan.
L’Association des Droits de l’Homme s’est, pour sa part, réunie devant le musée des arts islamiques, dans le quartier de Sultanahmet, à 14h00. Lieu symbolique en cela qu’il fut le point de rassemblement des premiers Arméniens qui furent ensuite envoyés en Anatolie.
À Ankara, la commémoration a eu lieu à 17 heures sur l’avenue de Sakarya. Une brève déclaration a été faite à la presse. Sur fond de flûte arménienne, les noms des Arméniens d’Ankara déportés en 1915 ont été cités les uns après les autres. La manifestation s’est déroulée dans le calme, malgré la présence d’une quinzaine de militants souverainistes ex-maoïstes que la police a maintenue à l’écart.
- Une brève déclaration de Baskin Oran
En réponse, des représentants des organisations de la diaspora arménienne en France, réunis à Paris le 24 avril dernier, ont tenu à mentionner et remercier les auteurs de ces initiatives lancées en Turquie. Pour la première fois dans l’histoire des deux peuples, un message envoyé par les Turcs a été lu aux Arméniens rassemblés pour l’occasion.
Extraits de cette prise de parole :
"Chers amis,
Il aura fallu attendre 95 ans pour que le 24 avril soit enfin commémoré publiquement en Turquie. C’était l’année dernière à Istanbul, place Taksim, une centaine de citoyens turcs militant dans différentes associations et réunis au sein du collectif « Stop au racisme et au nationalisme » sans céder ni à la menace ni à la peur, levait le tabou et brisait enfin la chape de plomb de l’Etat négationniste turc qui pèse sur la société civile.
Cette année, en ce jour du 24 avril, le collectif organise des commémorations dans 5 villes principales : à Istanbul, Ankara, Izmir, Diyarbakir et Bodrum en faisant des sit-in en plein centre des villes, en allumants des cierges, en énumérant un par un les noms de ceux qui ont été déportés vers la mort depuis ces villes accompagné de douces mélodies de duduk, et en lisant enfin une déclaration en guise d’expression de douleur et de compassion.
[...]
Chers amis,
Il existe en Turquie des gens courageux qui luttent pour que la vérité éclate et que justice soit enfin rendue au peuple arménien. Il est de notre devoir de les soutenir.
La position courageuse de l’association des Droits de l’Homme doit faire tache d’huile à tous les niveaux de la société civile turque à commencer par les intellectuels, les manuels scolaires, jusqu’à la masse populaire.
Le changement doit venir de la société civile.
En guise de soutien et de message, je vais vous lire la déclaration du CCAF [Conseil de Coordination des Associations Arméniennes de France] :
Le CCAF salue les initiatives qui sont prises en Turquie de commémorer le 24 avril comme date marquant symboliquement le début du génocide des Arméniens. Nous accueillons favorablement cette prise de conscience d’une partie de la société civile turque.
Nous encourageons les membres du collectif « Stop au racisme et au nationalisme » à aller encore plus loin dans leur démarche courageuse à l’image de l’association turque des Droit de l’Homme qui parle sans ambage du génocide.
En effet, la douleur de la nation arménienne ne saurait être soulagée sans que le crime qu’elle a subi ne soit nommé, sans que la vérité ne soit connue et reconnue, sans que justice ne lui soit rendue. Ce crime contre l’humanité porte un nom, il s’agit d’un génocide.
Aux intellectuels, aux démocrates, aux militants des droits de l’homme et aux citoyens turcs, nous les félicitons et nous leur demandons d’être les dignes successeurs de Hrant Dink et de poursuivre le difficile travail qu’il a entrepris pour développer la conscience de la société turque sur sa propre histoire, condition sine qua non de paix et de rapprochement entre les peuples turcs et arméniens.
Merci."
— -
L’année passée, deux manifestations avaient eu lieu à Istanbul, dans les quartiers de Taksim et d’Üsküdar.
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