Propos recueillis par Gérard Courtois, Ruth Elkrief et Anita Hauser
La montée du « non » dans les intentions de vote au référendum vous inquiète-t-elle ?
On voit bien que les Français s’interrogent, doutent de l’avenir et de l’Europe. Dans une France qui souffre et qui est en colère, on comprend bien qu’il y ait un désir de traduire, par un vote présumé dans deux mois, une sorte de rébellion. Comme les Français ont beaucoup de choses à reprocher au gouvernement, ils sont nombreux à vouloir se servir du référendum pour dire : il y en a assez !
Peut-être, mais pourquoi les arguments en faveur du « non » font-ils mouche quand ceux du « oui » paraissent inaudibles ?
Parce que les arguments du« non »sont les plus faciles et les plus populistes. Et puis, il faut bien reconnaître qu’un certain nombre de responsables politiques jouent avec le feu, alors même que leur passé pourrait les conduire à soutenir naturellement la construction européenne.
A qui pensez-vous ?
A Nicolas Sarkozy et à François Bayrou, ces pompiers pyromanes qui ne peuvent pas prononcer une phrase sans dire : « Je suis pour le traité constitutionnel, mais se pose le problème de la Turquie », alors que chacun sait que cette question n’a aucun rapport avec la Constitution européenne, que le problème se posera dans dix ou quinze ans et qu’il se posera de la même manière, que la Constitution soit adoptée ou non. Cette façon d’agiter les peurs est assez inadmissible.
Personne n’agite les peurs au Parti socialiste ?
Si, sans doute. Mais si je peux comprendre que les Français veuillent se servir du référendum pour exprimer leur mécontentement, j’ai du mal à comprendre que des responsables politiques ne puissent pas s’élever un peu au-dessus de leurs préoccupations personnelles ou de carrière quand c’est l’avenir de la France qui est en cause.
Quels arguments simples peuvent conduire à voter « oui » ?
Ce traité reprend toute la construction européenne depuis cinquante ans, et puis il y rajoute quelque chose. Ce qu’il faut juger, c’est ce qu’il y a de neuf, car, si nous votons « non », on gardera cette construction ancienne. Or ce qu’il y a de neuf, c’est que, pour la première fois, l’Europe décide de ne plus s’occuper uniquement d’économie, de ne plus être seulement l’Europe des marchés et qu’elle décide de devenir une Europe politique et qu’elle décide de se donner des objectifs sociaux.