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La Turquie obtiendrait gain de cause sur le bouclier antimissiles

lundi 22 novembre 2010, par Jean Marcou

OTAN - NATO La presse turque affirme, ces derniers jours, que la Turquie obtiendrait gain de cause lors du sommet de l’OTAN, qui se tient à Lisbonne, les 19 et 20 novembre : le bouclier antimissiles qui doit être mis en place pour protéger le territoire européen ne désignerait pas expressément l’Iran comme une menace potentielle. Depuis plusieurs semaines, Ankara exprime de fortes réserves à l’égard de ce projet, en souhaitant qu’il soit développé sous l’égide de l’OTAN et non des seuls Etats-Unis d’Amérique, et que tous les pays membres de l’Alliance puissent en bénéficier. Mais c’est surtout l’idée que le document de principe, étendant cette initiative de défense au territoire européen, puisse désigner des cibles, qui inquiète la diplomatie turque.

Le bouclier antimissiles est en fait le dernier avatar d’une longue suite de projets américains visant à protéger les Etats-Unis (voire leurs alliés) d’une attaque de missiles intercontinentaux. Initiée dans les années 1950 au plus fort de la Guerre froide, cette idée a été périodiquement adaptée à l’évolution de la menace ou de la supposée menace soviétique. Au début des années 1980, Ronald Reagan l’avait relancée, de façon très médiatique, avec la fameuse IDS (Initiative de défense stratégique), mieux connue alors sous le nom de « Guerre des étoiles ». Après la fin de la Guerre froide, l’opération avait paru perdre sa raison d’être. C’est pourtant, la crainte d’une attaque beaucoup plus limitée venue d’Eurasie (en particulier de Corée du nord ou d’Iran) qui a justifié, depuis une dizaine d’années, la relance de la réflexion sur le sujet et l’élaboration d’un nouveau système de défense, que le président Obama a souhaité étendre à l’Europe, eu égard au risque que représenterait la prolifération de missiles à courtes et moyenne portées. Ce système est toutefois de moindre ampleur que ceux développés à la fin du monde bipolaire, et en outre l’arsenal (réseaux de radars et de missiles d’interception), qui doit être mis en place, se trouve au sol et non dans l’espace.

Alors même qu’elle développe depuis 3 ans une ambitieuse politique de bon voisinage et n’a cessé de se poser en puissance médiatrice, la Turquie a craint que ce bouclier antimissiles ne la place dans une situation délicate à l’égard de ses voisins ou de pays avec lesquels elle entretient une coopération croissante dans les domaines économique et politique. L’apriori défavorable qu’ont manifesté la Chine et la Russie à l’égard du bouclier ont conforté Ankara dans les préventions qu’elle pouvait avoir. Mais le fait que les Etats-Unis aient donné des gages à ces puissances pour leur faire comprendre qu’elles n’étaient pas visées par le projet, n’a pas totalement rassuré la Turquie. Car, alors même que la Russie participe au sommet de Lisbonne pour voir comment son propre système de défense pourrait être connecté au bouclier antimissiles, il est, en réalité, devenu encore plus évident que la principale cible de ce dernier est bien constitué par des « États voyous » d’Eurasie, dotés d’un arsenal limité qui n’en constituerait par moins une menace. Or, l’idée même que le document, que doit adopter l’OTAN, au cours du sommet de Lisbonne, puisse directement désigner la République islamique comme une menace, apparaît intenable à la Turquie, au moment même où elle vient de retirer Téhéran de la liste des pays qui constituent pour elle une menace, et qui figure dans son document stratégique officiel (« le document de sécurité nationale »).

Au cours des dernières semaines, le non référencement de l’Iran comme une menace, est ainsi devenu une exigence absolue pour Ankara, conditionnant sa signature finale. Il semble que les Etats-Unis et les membres de l’OTAN aient accepté de ne désigner aucun pays représentant une menace, dans le document qui doit être entériné à Lisbonne. Si une telle information se confirme, elle montrera que la Turquie acquiert une position de plus en plus particulière au sein de l’Alliance, qui lui permet de faire cohabiter une logique de défense intégrée avec des intérêts nouveaux et plus spécifiques de puissance régionale.

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Sources

Article original publié sur le site de l’OViPoT le vendredi 19 novembre 2010 sous le titre :
La Turquie obtiendrait gain de cause lors sommet de l’OTAN à Lisbonne sur le bouclier antimissiles.

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