La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, jeudi 17 mars, la Turquie pour le décès d’un homme, placé en garde à vue et tué dans une fusillade lors d’une opération de police en 1996. La Cour a estimé qu’Ankara avait violé les articles 2 (droit à la vie) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme, et alloué au requérant, le frère du suspect décédé, 15 000 euros pour dommage moral.
Semsettin Gezici avait été interpellé le 12 août 1996 par les forces de l’ordre et placé en garde à vue, a rappelé la Cour dans son arrêt. A la suite de ses déclarations, une opération de police, à laquelle ce dernier assista, fut menée le 19 août au domicile d’un membre présumé de l’organisation séparatiste kurde PKK. Une fusillade éclata au cours de laquelle Semsettin Gezici et le membre présumé du PKK furent tués.
« Les autorités ont le devoir de protéger les personnes en garde à vue, qui de ce fait sont en situation de vulnérabilité », a souligné la Cour européenne. « Or, en mettant l’intéressé en présence de la personne qu’il avait dénoncée et sachant qu’elle était en possession d’une arme de guerre, les autorités ont créé une situation potentiellement dangereuse et soumis le frère du requérant à un risque extrême injustifié », a-t-elle poursuivi.
La Cour a également estimé que « la Turquie a manqué à son obligation de mener une enquête adéquate et effective sur les circonstances de la mort du frère du requérant ». Elle a toutefois rejeté les allégations selon lesquelles ce dernier aurait été « victime d’une exécution extrajudiciaire après avoir été torturé par les forces de l’ordre alors qu’il se trouvait en garde à vue », comme son frère le soutenait.
PLUSIEURS AFFAIRES
Par ailleurs, dans une autre affaire, la CEDH a également condamné, jeudi, la Turquie pour « ne pas avoir mené une enquête adéquate et effective sur les circonstances » de la disparition d’un homme, qui, selon son épouse, n’est jamais rentré d’un voyage en avril 1996. Elle a estimé qu’« il y a eu violation procédurale que l’article 2 impose à l’Etat » et alloué 10 000 euros à cette femme, Talat Trkoglu.
La Cour a en revanche jugé qu’« il n’y avait pas de preuves suffisantes pour conclure », comme celle-ci l’affirme, que son mari - traduit en justice à plusieurs reprises avant sa disparition pour des infractions politiques - ait été tué par des agents de l’Etat ou avec leur complicité.
Les droits de l’homme constituent un sujet de préoccupation majeur entre l’Union européenne et la Turquie. Lors de la Journée internationale de la femme, le Parlement européen avait fait part de sa vive inquiétude suite à la violente répression d’une manifestation pour les droits des femmes à Istanbul.