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L’économie turque émerge aux portes de l’Europe

jeudi 13 octobre 2005, par Guillaume Perrier

LE MONDE 12/10/2005 12h58

ISTANBUL correspondance

Le feu vert qui a été donné à Luxembourg aura aussi un impact sur l’économie du pays. Avec l’ouverture des négociations d’adhésion, prévues pour durer au moins dix ans, la Turquie s’arrime pour de bon à l’Europe. Un gage de stabilité. La Bourse d’Istanbul (IMKB) a d’ailleurs salué cette issue en atteignant, mardi matin 11 octobre, un nouveau record historique. Tous les grands patrons turcs lui ont emboîté le pas. « Une Turquie qui continuera à progresser, dans un contexte de stabilité politique, de croissance économique et de paix sociale, sera en position de force. Il faudra consolider les progrès qui ont été faits », a averti Mustafa Koç, l’un des hommes d’affaires les plus riches du pays.

Il faut dire que la Turquie revient de loin, alternant depuis vingt ans les périodes de chaos et d’embellie. En 2001, le pays sortait même sinistré d’une crise sans précédent qui faisait entrevoir un scénario digne de l’Argentine. Une faillite du système bancaire et une banqueroute de l’Etat entraînaient une dévaluation de la livre turque. En une nuit, en février 2001, la monnaie perdait 40 % de sa valeur. Mais, depuis, l’économie turque bat des records. 2004 fut une année historique pour le pays, avec un taux de croissance du PNB de 9,9 %. Cette année, elle devrait progresser de 5 %. En trois ans, le niveau de vie a ainsi augmenté de 25 % pour les Turcs.

D’autant que le fléau de l’inflation est en passe d’être maîtrisé. La Turquie, qui connaissait des taux astronomiques, près de 70 % en 2001, a vu l’indice ramené sous les 8 % pour les douze derniers mois. Mieux que les objectifs fixés par le gouvernement. Un niveau historique pour un pays habitué à voir les zéros s’aligner sur les billets de banque. Le 1er janvier, le Trésor s’est même offert le luxe d’ôter six zéros à sa monnaie.

Représentant de la Banque mondiale pour la Turquie, Andrew Vorkink, a récemment chaleureusement salué, les progrès réalisés par Ankara : « La Turquie a une économie qui croît trois à quatre fois plus vite que celle de l’Union européenne et elle dispose d’un secteur privé dynamique. »

Révélateur de la bonne santé de l’économie, le système bancaire a été considérablement assaini. En 2001, de nombreuses banques en faillite ont été fermées ou saisies par l’Etat, et, aujourd’hui, le paysage est plus clair. A tel point que les investisseurs étrangers pointent le bout de leur nez. Autrefois réticents, ils se pressent désormais pour prendre position sur ce grand marché émergent. « Les cabinets d’avocats sont surchargés d’entreprises qui viennent s’installer », se réjouit Alain Bailly, directeur général adjoint de la TEB, banque turque rachetée cette année par la BNP-Paribas.

Forte d’une population de 72 millions d’habitants, aux deux tiers âgée de moins de 30 ans, la Turquie est prise d’une frénésie consommatrice. Les ventes d’automobiles ou d’électroménager battent des records. Ce dynamisme tire toute l’économie vers le haut. Les exportations connaissent elles aussi un véritable boom. Les entreprises turques, plus compétitives, partent à l’assaut des marchés européen, moyen-oriental ou maghrébin. Léger problème, la livre turque, un peu surévaluée, fait craindre un petit réajustement d’ici à la fin de l’année. Autre souci, l’endettement, une menace permanente pour la 18e économie mondiale, résultat d’un déficit budgétaire quasiment systématique. La Turquie a l’une des dettes les plus abyssales (200 milliards d’euros) et maintient sa dépendance vis-à-vis du FMI, avec lequel elle vient de signer un nouveau crédit stand-by pour les prochaines années.

Pour honorer ses créanciers, Ankara a donc mené depuis quatre ans une politique de rigueur budgétaire drastique. Le gouvernement AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) poursuit en cela l’effort engagé après la crise de 2001 par Kemal Dervis, ex-ministre de l’économie, aujourd’hui à la tête du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Les dépenses publiques sont réduites au strict minimum : tous les grands projets d’infrastructures ont été repoussés. Les privatisations relancées, le programme rapportera, selon les prévisions, plus de 20 milliards d’euros à l’Etat cette année. Et les réformes, impopulaires, des impôts, des retraites et de la sécurité sociale devraient finir par être engagées, sous la pression du FMI.

Guillaume Perrier
Article paru dans l’édition du 13.10.05

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