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Ahmet Ertegün, le génial fondateur d’Atlantic Records, est décédé

lundi 18 décembre 2006, par Reynald Beaufort

Nous étions parmi les premiers à vous annoncer vendredi par communiqué la triste nouvelle.
Ahmet Ertegün était un personnage exceptionnel, aussi avons nous décidé de revenir plus longuement sur sa carrière extraordinaire.

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Ahmet Ertegün en compagnie de Ray Charles
Ahmet Ertegün en compagnie de Ray Charles

Le monde musical, celui du jazz et de la musique noire américaine sont en deuil, Ahmet Ertegun, le fondateur du célèbre label Atlantic Records, est décédé vendredi 15 décembre 2006 à New York à l’âge de 83 ans,

Ahmet Ertegün était dans le coma depuis le mois d’octobre après avoir glissé en coulisse lors du concert des Rolling Stones à New York.

Ray Charles, Big Jue Turner, Ruth Brown, La Vern Baker, The Clovers, The Drifters, John Coltrane, Ben E. King, Bobby Darin, Sonny & Cher, Aretha Franklin, Otis Redding, Solomon Burke, Wilson Pickett, Led Zeppelin, Eric Clapton, Crosby Stills Nash & Young, The Rolling Stones, Bette Midler, Roberta Flack, Phil Collins, Genesis, Yes, AC/DC, Donna Summer, ABBA, Chic, les Bee Gees et Bette Midler ont été lancés ou publiés sous le label Atlantic Records.

Sans Ahmet Ertegün la musique noire américaine ne serait peut être pas devenue aussi universelle. Dans les années 50, il fut l’un des premiers à vendre de la musique d’artistes noirs à la jeunesse blanche et à « secouer » le
conformisme de l’ère Eisenhower.

Ahmet Ertegun s’était passionné pour la musique noire américaine au point de fonder sa propre maison de disques en 1947, avec un expert du blues Herg Abramson et un prêt de 10.000 dollars obtenu d’un dentiste turc.

Il était né à Istanbul, le 31 juillet 1923. Son père, avocat, avait été ambassadeur en Suisse, en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, francophone, Ertegun expliquait ainsi dans un journal suisse pourquoi il avait créé Atlantic : « Nous n’avions pas de préjugés contre les Noirs, voilà tout. Je n’aurais jamais pensé que nous finirions disquaires. Mais nous aimions cela ».

Après le succès du film « Ray » sur la vie de Ray Charles il avait dit : « En réalité, à cette époque, j’étais la seule personne qui aimait Ray Charles. J’ai acheté son contrat sans l’avoir jamais vu. J’avais entendu une seule chanson. Quand il est arrivé à New York, je lui ai annoncé qu’il deviendrait une grande star. Il était tout timide. Il s’est contenté de me remercier et de me promettre qu’il jouerait tout ce que je voudrais ».

En juin, le festival de Montreux avait rendu hommage à Atlantic Records et à son fondateur. Interrogé à cette occasion sur ses débuts, il répondait : « Quand j’ai commencé, je n’étais ni artiste ni businessman. J’étais un fan ! Et je suis encore un fan. Mais je suis devenu tout ça malgré moi : compositeur, producteur, businessman. On devient tout cela parce que la vie vous y mène. La vérité c’est que j’ai eu une vie merveilleuse car mon travail fut celui que j’aurais voulu faire pour m’amuser ! Un hobby ! De tous les arts, la musique est celui qui vous offre la satisfaction la plus directe. Un soulagement immédiat ! Un peu comme la poésie et la peinture. Mais les effets de la musique sont irremplaçables ».

Ertegün a également édité les œuvres des Trois ténors, Luciano Pavarotti, Placido Domingo et José Carreras.

Son amitié pour les artistes fut l’une des clés de son succès. Il n’hésitait pas sauter dans un avion si Ray Charles, au volant de sa voiture, le faisait appeler pour lui dire qu’il se sentait d’humeur à enregistrer. C’est ainsi que naquirent des titres de légende comme « I’ve got a woman » et « What’d I say ».

Atlantic Records est aujourd’hui une filiale du groupe Warner Music après un passage entre les mains d’Universal, mais Ertegun en est resté le président fondateur, survivant aux différents changements de propriétaires depuis la vente du label en 1967 pour 20 millions de dollars.

Il sera enterré en Turquie au cours d’une cérémonie privée.

Ahmet Ertegün aux Grammy Awards

En savoir plus :
Un label sans qui la musique ne serait pas ce qu’elle est devenue
Le site officiel d’atlantic Records
Ahmet Ertegün sur Wikipedia (en anglais)

Article inspiré de la dépèche de Reuters Los-Angeles, du commnuniqué de Club-Internet et MSN Actualités, et de nombre d’autres sources en ligne...

L’article du Monde


Nécrologie
Ahmet Ertegun, producteur et fondateur de la compagnie phonographique américaine Atlantic Records
Sylvain Siclier - Le Monde - 16/12/2006 - 14h06

Victime d’une chute le 29 octobre, lors d’un concert des Rolling Stones à New York, Ahmet Ertegun, producteur et fondateur de la compagnie phonographique américaine Atlantic Records, est mort, sans être sorti du coma, à l’âge de 83 ans, jeudi 14 décembre, dans un hôpital de New York.

Né à Istanbul le 31 juillet 1923, élevé dans la meilleure société - son père était ambassadeur -, Ahmet Ertegun, comme son frère aîné de cinq ans, Nesuhi, mort en 1989, fréquente très tôt musiciens - plutôt noirs et jouant du jazz -, peintres - plutôt les surréalistes -, écrivains, préférant le monde nocturne à celui de la diplomatie.

Parce qu’il souhaite « entendre les musiques que d’autres compagnies ne diffusent pas ou mal », comme il nous l’avait expliqué, malicieusement, lors d’une rencontre à son domicile parisien (Le Monde du 3 juillet 1998), Ahmet Ertegun fonde en septembre 1947 la maison de disques Atlantic avec Herb Abramson. Rejoints par Nesuhi en 1955, ils apprennent, sur le tas, leur métier de producteur et de patron.

Avec l’arrivée de Ray Charles en 1952, Atlantic prend son envol. Ce sera le début d’une suprématie sur les musiques populaires des années 1950 aux années 1970. Nesuhi est plutôt jazz, Ahmet plutôt soul et rock. Il sait repérer les futurs talents et s’entourer. Paroliers, compositeurs, ingénieurs du son, arrangeurs se bousculent pour créer « le son de l’Amérique ». Parmi eux Arif Mardin, Jerry Leiber, Mike Stoller, Jerry Wexler, Tom Dowd. Phil Spector, David Geffen ou Joel Dorn y feront leurs premières armes avant de devenir des producteurs réputés.

DE COLEMAN À LED ZEPPELIN

Côté jazz, Atlantic va révéler le Modern Jazz Quartet, John Coltrane, Charles Mingus, Ornette Coleman, Roland Kirk, Charles Lloyd, Keith Jarrett. Côté r’n’b, soul et rock, il y a d’abord les formations vocales comme The Clovers, The Coasters ou The Drifters. Puis, outre Ray Charles, Otis Redding, Aretha Franklin, qui enregistre de 1967 au milieu des années 1970 ses plus grands titres pour Atlantic, Roberta Flack...

Ahmet Ertegun, qui regrette d’avoir raté Elvis Presley puis les Beatles, ne loupera pas le groupe britannique Led Zeppelin en 1968. Séparé en décembre 1980, il sera le plus gros vendeur d’Atlantic (on estime à 100 millions leurs ventes de disques à ce jour). Crosby, Stills, Nash & Young suivra, puis les Rolling Stones en 1971.

Atlantic perd son indépendance en 1967, date de son achat pour 17 millions de dollars par le conglomérat Warner, mais Ahmet Ertegun conserve le contrôle artistique. Yes, les Bee Gees, Donna Summer, Chic, AC/DC, Foreigner, ouvrent la marque à d’autres univers, rock progressif, disco, hard rock.

Encore attentif aux derniers courants de la pop ou du rap, le label perd de sa spécificité à partir du début des années 1980. Ahmet Ertegun conserve des responsabilités, mais se détache peu à peu des affaires à partir des années 1990. Homme d’une grande distinction et d’une grande culture, Ahmet Ertegun était aussi membre de nombreuses associations et institutions, dans le domaine de l’éducation, de l’humanitaire ou de la musique.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3382,36-846503@51-846582,0.html

L’article de Libération


Ertegun, fin d’une passion
Le fondateur en 1947 du mythique label Atlantic s’est éteint à 83 ans.
Par Eric DAHAN - samedi 16 décembre 2006

La dernière tournée des Rolling Stones restera marquée par deux « chutes » spectaculaires : celle, rocambolesque, de Keith Richards d’un cocotier au printemps dernier, obligeant le groupe à annuler ou à reporter ses concerts ; et celle, tragique, de Ahmet Ertegun dans les coulisses du Beacon Theater de New York, où le groupe se produisait le 29 octobre en l’honneur de Bill Clinton, qui y fêtait son soixantième anniversaire. Blessé à la tête, l’un des plus fameux magnats de l’industrie du disque mondiale sombrait peu après dans le coma, avant d’être déclaré mort jeudi, dans un hôpital de New York. A 83 ans, celui qui pouvait s’enorgueillir d’avoir révélé un nombre d’artistes soul et rock impressionnant, était plus que jamais présent dans l’actualité, avec notamment à son catalogue Missy Elliott ou le jeune groupe Gnarls Barkley, auteur du tube de l’été 2006, Crazy.

C’est par pure passion pour la musique qu’il avait fondé, en 1947, le label Atlantic avec Herb Abramson, défiant les majors RCA, Columbia et Decca. Cette passion, il la tenait de sa mère, Hayrunisa Rustem, chanteuse, danseuse et multi-instrumentiste autodidacte, ainsi que de son frère aîné, Nesuhi, qui l’initia au jazz à 5 ans.

Noirs et Blancs. Né à Istanbul le 31 juillet 1923, Ahmet Ertegun avait émigré avec sa famille aux Etats-Unis, où son père, Munir, avait été nommé ambassadeur. En traînant au Commodore Music Store, Ahmet et son frère rencontrent son propriétaire, Milt Gabler, futur directeur artistique des disques Decca. Les deux garçons se lient ensuite d’amitié avec Duke Ellington, Lena Horne et Jelly Roll Morton, et décident d’organiser à Washington, en pleine ségrégation, le premier concert mêlant Noirs et Blancs.

Le jazz conditionne jusqu’à ses amours : à l’âge de 20 ans, il épouse Marili Morden, propriétaire du Jazzman Record Shop à Los Angeles. Autre rencontre déterminante, celle de Max Silverman, réparateur de radios qui vend également des disques dans sa boutique et crée une émission de radio dans laquelle il joue les disques que lui apportent des producteurs indépendants.

En 1946, Ertegun propose à Silverman de financer le label qu’il veut ouvrir avec Herb Abramson, directeur artistique de National Records. Ils fondent deux labels : Jubilee, dédié au Gospel, et Quality, dévolu au jazz et au r’n’b. Découragé par l’échec de leurs deux premières productions, Silverman jette l’éponge. Ertegun convainc alors son dentiste d’hypothéquer sa maison : Atlantic est né et s’installe dans une chambre du Jefferson Hotel, sur la 56e rue de Manhattan. Les 65 premières chansons enregistrées ne se vendent pas. Ahmet Ertegun part voyager dans le Sud, où Professor Longhair lui recommande d’intégrer le son funky de La Nouvelle-Orléans. En 1949, le label tient son premier tube avec Drinkin’Wine Spo-Dee-O-Dee de Stick McGhee. Le r’n’b est né, à mi-chemin du son populaire et cuivré du Sud et de la sophistication new-yorkaise, dont le planétaire What I’d Say, livré par Ray Charles en 1959, soit dix ans après son premier disque pour Atlantic, peut être considéré comme emblématique.

Coltrane, Mingus, Coleman... En 1953, l’arrivée de Jerry Wexler, journaliste au magazine Billboard reconverti producteur, permet à Ertegun de déléguer le travail en studio pour continuer à trouver de nouveaux groupes. C’est ainsi qu’il offre 25 000 dollars au Colonel Parker pour signer Elvis Presley, qui choisit finalement RCA. L’arrivée de Nesuhi Ertegun en 1956 permet au label de lancer un catalogue jazz légendaire, où l’on trouve John Coltrane, Charles Mingus, Ornette Coleman et le Modern Jazz Quartet.
Cream, Velvet, AC/DC... En 1966, l’homme qui a révélé The Drifters et The Coasters fait sensation en signant les Cream du Britannique Eric Clapton, premier d’une liste d’artistes rock produits ou distribués par le label, comme les Rolling Stones, les Bee Gees, Yes, Genesis, Led Zeppelin, Crosby, Stills, Nash & Young, MC5, The Velvet Underground, AC/DC et Dire Straits. Parallèlement, Wexler produit les disques de Wilson Pickett, Otis Redding et, surtout, d’Aretha Franklin, arrachée à Columbia, qui devient la plus grande voix de l’histoire du r’n’b et de la soul.

Si Ahmet Ertegun vend Atlantic Records et ses différents labels pour 20 millions de dollars au groupe Warner Music en 1967, il en demeurait le président fondateur et continuait d’exercer ses activités, malgré le rachat de la compagnie par Universal. Ahmet Ertegun sera enterré en Turquie au cours d’une cérémonie privée.

http://www.liberation.fr/culture/musique/223624.FR.php

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