Il est tout à fait compréhensible de s’opposer à la candidature de la Turquie à l’Union Européenne. Mais cette opposition mérite d’être construite sur des arguments rationnels. Un argument qui soutiendrait que la Turquie ne fait pas partie de l’héritage judéo-chrétien, parce qu’elle a une population à forte majorité musulmane est aussi respectable que discutable. Toutefois, de plus en plus, sont utilisés des arguments pervers qui consistent à généraliser des comportements qui s’ils sont tout à fait intolérables ne sont pas non plus des moeurs généralisées. Je regrette que votre journal se fasse le vecteur et l’amplificateur de ce genre de propos et souhaiterais que, pour faire bonne mesure, vous publiiez cette réponse.
Un exemple, dans le courrier des lecteurs du 3-4 juillet, M. Jacki Guerinat soutient de manière tout à fait erronée qu’en Turquie selon la coutume, le mari a le droit de vie et de mort sur sa femme et que le frère a le droit de tuer sa soeur quand elle a été violée.
La Turquie a un code civil depuis 1926, certes il y a eu et il y a encore trop de crimes passionnels entre maris et femmes, frères et soeurs, mais pourquoi généraliser cela, pourquoi essayer de montrer ces crimes sévérement punis par la loi et ardemment condamnés par la société civile turque comme un habitus ancré dans la conscience collective ?
S’il existe encore des gens pour penser que ce genre de moeurs barbares est une tradition et des juges pour ne pas sanctionner ces crimes suffisamment, il faut bien sûr le dénoncer et faire évoluer les mentalités. Mais l’exclusion d’office est-elle bien la meilleure méthode ? Ne serait-il pas plus efficace d’aider la Turquie à lutter contre les retards de développement dont souffrent certaines de ses régions ? Car la fréquence des crimes envers les femmes est en rapport direct avec l’illétrisme et l’isolement de certaines contrées. Dans les régions les plus développées le nombre de ces actes de violence et le laxisme envers ceux-ci n’est pas supérieur à celui que l’on trouve dans les autres pays de l’Europe méditerranéenne, même si c’est une maigre consolation !
Devrait-on dire de la même façon que les actes de pédophilie dans certains pays membres de l’Union Européenne font partie du mode de vie de ces sociétés ou bien que la violence conjugale participe de la culture européenne ? Bien sûr que non ! Ce qui est sûr, c’est que l’utilisation d’arguments biaisés par la xénophobie ne s’inscrivent certainement pas dans la tradition des valeurs occidentales.
Reynald Beaufort -
Président de Turquie Européenne
Article à l’origine de cette réponse :
Turquie
Les présidents américain et français, qui ne sont d’accord sur rien, le sont pourtant sur l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, qui serait selon eux, nécessaire ou inéluctable. Mais si l’Europe existe aujourd’hui, c’est que les peuple allemand et français ont découvert, à l’issue des combats sanglants de la guerre de 1914, leur réelle fraternité et leur adhésion séculaire à des valeurs communes. Cette fraternité et ces valeurs communes existent-elles entre Européens et Turcs ? Existe-t’il en Europe un pays où le mari ait, selon la coutume, droit de vie et de mort sur sa femme, et où le frère ait à tuer sa soeur quand elle a été violée, comme c’est encore le cas en Turquie ? Allons messieurs, l’Europe est une chose trop sérieuse pour entrer dans vos calculs géostratégiques.
Jacky Guérinot - Courrier électronique