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Traité européen : Congrès ou référendum ?

jeudi 24 janvier 2008, par Gilles Devers

Le référendum est un classique de la démocratie. Sur les grandes questions, le peuple se prononce directement. Il dit oui ou non, à une question jugée d’une importance telle qu’elle ne peut être traitée par les parlementaires.

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Il en est ainsi de la première des règles, la Constitution. Les traités, ces actes internationaux qui engagent les Etats, ont une force juridique inférieure à la Constitution. Aussi, la ratification d’importants traités est parfois impossible sans une modification préalable de quelques dispositions de la Constitution. En matière européenne, cela a été les cas pour le traité de Maastricht, en 1992, et pour le traité dit de la constitution européenne, en 2005.

Résultat le 29 mai 2005 : 54,7 % pour le non. Les Français refusent de modifier la Constitution, donc le traité ne peut être ratifié par le Parlement, donc le processus européen est bloqué.

Les responsables politiques n’ont pas voulu renoncer. En l’absence de plan B, l’alternative, voici le plan A’, le camouflage. Car le Traité de Lisbonne c’est tout le Traité de Constitution européenne, mais avec une autre présentation.

La différence serait que le volet n° 3, relatif aux grandes politiques, ne serait pas inclus dans le traité. Révolution ? Rien du tout : ces politiques résultent d’autres traités, qui ne sont pas abrogés. Au lieu de les réunir dans un texte unique, les dispositions restent intactes, mais dans des textes disparates.

Dans le détail, quelques points ont évolué. Mais il s’agit objectivement du chiffre après la virgule.

Alors quelle est l’entourloupe, l’astuce, ou le génie, selon les goûts de chacun ? C’est d’avoir enlevé le mot constitution, qui faisait peur, car il donnait le sentiment que la nation disparaissait dans un infernal fondu-enchaîné supranational. Changement de vocabulaire d’autant moins gênant que le Traité envisagé en 2005 n’avait rien d’une constitution, dès lors que l’Europe procédait des Etats-nations.

Le Conseil européen du 27 juin 2007 a pris acte de la fin du processus politique pour entrer dans un processus juridique. On abandonne le grand traité, pour inclure toutes ses dispositions sous forme d’amendement des traités existants. C’est ça le camouflage : il va falloir débusquer les amendements ! Le résultat, le Traité de Lisbonne, n’a donc rien de simplifié. Il est, du fait de ce processus, bien plus difficile à lire que le traité de 2005, qui était rédigé comme un tout.

De telle sorte, on retrouve l’équation de 2005 : il faut modifier la Constitution avant de ratifier le traité. Mais par crainte d’essuyer un nouveau rejet, la France renonce au référendum, et choisit la voie annexe, à savoir le vote des deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, réunie en Congrès, à la majorité qualifiée des 3/5.

Le problème est bien visible : le vote du Congrès, prévu pour le 4 février, vise à effacer l’échec du référendum de mai 2005. De Droite et de Gauche, c’est la gavage de cerveau : n’ayez pas peur, tout va bien, vos responsables sont gentils.

Il y a deux questions très distinctes :

- Le traité de Lisbonne fait-il progresser le tout ? Ma conviction est « Oui », car en l’absence de traité c’est le libéralisme, tempéré par le juge. Un plus d’institution est une bonne étape.

- Peut-on passer par pertes et profits le référendum de 2005 ? Je dis « Non », car la souveraineté populaire, ce n’est pas un coussin.

Ou alors, il faut être cohérent, et dire que l’Europe est en train de tuer le référendum. C’est un choix, qui a d’ailleurs ces mérites, car les référenda ont souvent été l’occasion de coups tordus. Mais en revanche, il faudra m’expliquer pourquoi le référendum est inutile pour le Traité de Lisbonne, et indispensable pour l’entrée de la Turquie.

Dans l’immédiat et jusqu’au vote du 4 février, pour pourrez suivre les aventures de vos héros préférés au sein du Parti socialiste : François Hollande, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault, le tout sur fond d’un rapprochement entre les strausskahniens et les fabiusiens destiné barrer la route à Ségolène Royal au prochain congrès PS, pendant que Bertrand Delanoë observe en embuscade.

Pas de doute : le débat européen progresse.

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