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« Quelle Europe voulons-nous ? », une série du « Figaro »

L’Union et la Turquie, une promesse d’avenir

samedi 21 mai 2005, par Recep Tayyip Erdoğan

Le Figaro - 21 mai 2005

Nous poursuivons notre série sur la construction européenne avec les tribunes du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, et du premier vice-président du Par lement européen, l’Espagnol Alejo Vidal Quadras. Nous publions aussi l’appel de l’organisation non gouvernementale EuropaNova en faveur du oui au traité constitutionnel.

Les citoyens de l’Union européenne mesurent-ils combien ils ont lieu d’en être fiers ? Elle porte à leur meilleur les nations qui la composent et celles qui aspirent à la rejoindre : elle garantit les conditions d’une paix durable, elle assure un haut degré de prospérité économique et de protection sociale, elle défend sans relâche les libertés individuelles et les valeurs les plus universelles de l’humanité. C’est bien parce que la Turquie partage ardemment ces aspirations qu’elle souhaite intégrer l’Union. Celle-ci bénéficierait, en retour, du dynamisme économique de mon pays, de la croissance soutenue qu’il connaît, de sa jeunesse avide d’entreprendre et d’échanger.

Je sais que cette perspective suscite inquiétudes et critiques dans une partie de l’opinion française. Je peux comprendre certaines d’entre elles même si je n’y souscris pas : mais il est aisé de les apaiser, pour celles, du moins, qui sont accessibles à une argumentation rationnelle.

L’évocation de quelques traits significatifs du mouvement historique dans lequel la République de Turquie est engagée, et du « désir d’Europe » qui anime l’immense majorité de mes concitoyens, devrait suffire à rassurer ceux qui craignent que nous ne puissions partager pleinement les valeurs et les objectifs de l’Union. Quant aux prétendues menaces de « dumping social » et de délocalisations, supposées découler de la différence de revenus moyens entre la France et la Turquie, je montrerai ici que notre volonté est, au contraire, de mettre tout en œuvre pour remonter résolument le niveau de vie et la protection sociale dans notre pays afin qu’ils rejoignent les standards européens. De nouveaux marchés s’ouvriront ainsi, au plus grand bénéfice de tous les partenaires.

L’échange public et libre d’arguments raisonnés est un élément essentiel du débat démocratique. Il est naturel que des questions et des attentes soient formulées à l’égard de la Turquie par les citoyens et les gouvernements de l’Union et c’est mon devoir, en tant que premier ministre, d’y répondre. En revanche, je suis, je l’avoue, choqué de voir parfois l’amalgame et l’insinuation prendre le pas sur le dialogue honnête et serein : quel sens y a-t-il à nous objecter le siège de Vienne ou les luttes entre l’Empire ottoman et celui des Habsbourg ? Comment ne pas être consterné d’entendre d’aucuns considérer tout musulman comme un intégriste, voire un terroriste en puissance ?

Nous veillons tout particulièrement, au prix d’une action volontariste, à rendre nos lois pénales et notre jurisprudence conformes aux critères européens. La peine de mort a été officiellement abolie en 2004 mais elle n’était plus appliquée depuis 1984. Après cet aggiornamento du cadre législatif, nous concentrons nos efforts sur l’amélioration et la régularisation complète des pratiques judiciaires et policières pour lesquelles, reconnaissons-le, des progrès restent à accomplir.

Sur le plan économique, également, nous faisons beaucoup pour aligner notre législation sur les normes européennes : ouverture des marchés, autonomie des agents économiques par rapport au pouvoir politique, Banque centrale indépendante.

Si la Turquie entre dans l’Union européenne, son développement industriel et commercial rapide offrira de nouvelles et fortes opportunités de croissance aux autres pays membres, et, notamment, à la France avec laquelle elle partage une si longue histoire commune et des liens culturels forts. Notre taux de croissance était de 10% en 2004, il sera encore d’au moins 7% en 2005 compte tenu des mesures que nous avons prises pour éviter les effets pervers d’une progression excessive. Nous jugulons efficacement l’inflation, préoccupante il y a encore quelques années : elle devrait passer de 9% en 2004 à 7% en 2005. Le taux de chômage a d’ores et déjà été ramené à 10%. Tous les indicateurs vont dans le bon sens. Ils confirment que nous sommes et serons toujours davantage des partenaires fiables et motivants pour vos entreprises.

Nous entendons profiter de ce contexte favorable pour faire monter en puissance une politique de protection sociale ambitieuse. Sur ce point encore, l’exemple français est une de nos sources d’inspiration. La Turquie aspire, en ce domaine, à se doter de dispositifs proches de ceux des premiers pays fondateurs de l’Europe et non, comme certains semblent le penser, à entretenir la précarité pour conquérir plus aisément des marchés ! Je jugerais indigne de ne pas faire prioritairement profiter les travailleurs de mon pays du progrès économique. En cela aussi, nous adhérons au projet européen de prospérité et de bien-être social.

Mais l’Europe est en outre un pôle déterminant du nouvel équilibre mondial. La France y joue un rôle éminent, en défendant des positions dont nous nous sentons souvent très proches. C’est une autre raison pour nous, et non des moindres, de vouloir que notre pays devienne membre de l’Union européenne. Il est essentiel que cette dernière affirme de plus en plus fortement son identité propre et sa vision originale sur la scène internationale. La Turquie entend être un partenaire loyal dans le concert des nations européennes pour contribuer à ce que l’Europe puisse s’imposer comme puissance en faisant valoir les valeurs et les réalisations qui font sa grandeur.

Mon souhait le plus cher est que les négociations entre l’Union européenne et la Turquie soient couronnées de succès : j’ai, bien sûr, la conviction que ce serait l’in térêt de mon pays mais je suis certain, également, que ce serait celui des autres pays membres. Une synergie nouvelle entre les Etats qui composaient « l’Europe des 15 » et les nations plus récemment intégrées ne pourrait que relancer la marche de l’Union vers son plein épanouissement économique, social, culturel et géopolitique. C’est une « nouvelle fron tière », au sens que le président Kennedy avait donné à cette expression, qui s’ouvrirait aux citoyens de l’Eu r ope.

On ne saurait s’étonner des « hésitations » que provoque le « désir d’Europe » de la Turquie : l’inattendu, en politique, est générateur d’angoisses. Comme le remarquait l’un de vos grands auteurs qui a inspiré sa génération en Turquie, Paul Valéry, « nous entrons dans l’histoire à reculons » car « l’histoire est la science des choses qui ne se répètent pas ». Mais cela ne doit pas nous conduire à ne pas faire ce qui mérite d’être fait !

Recep Tayyip Erdoğan est le Premier ministre de la Turquie.

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