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Turquie : Egemen Bağış, nouveau négociateur en chef avec l’UE

jeudi 22 janvier 2009, par Jean Marcou

Le 9 janvier 2009, Egemen Bağış a été nommé négociateur en chef de la Turquie pour mener les pourparlers d’adhésion que la Turquie conduits avec l’UE en vue de son adhésion.

Une fonction de négociateur revalorisée

Cette fonction était assumée, depuis 2005, par l’actuel ministre des affaires étrangères, Ali Babacan. Mais il était question depuis plusieurs semaines d’en libérer le ministre, eu égard à son emploi du temps trop dense. A priori, cette nomination valorise le poste de négociateur en chef, conçu antérieurement comme une fonction adjointe à celle de ministre des finances ou du ministre des affaires étrangères. En effet, Egemen Bağış a rang désormais de ministre d’Etat, il est donc membre du gouvernement à part entière. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’une simple nomination ou d’une nouvelle répartition des tâches, mais probablement pour le gouvernement turc, d’une autre manière de gérer ses négociations avec l’UE.

Âgé de 38 ans, vice-président de l’AKP et député d’Istanbul, Egemen Bağış, qui a fait ses études aux Etats-Unis, apparaît comme l’une des étoiles montantes du parti majoritaire. Conseiller spécial de Recep Tayyip Erdoğan pour les affaires étrangères, il été très impliqué ces dernières années dans les programmes de réformes du gouvernement concernant l’approfondissement de la démocratie et de l’Etat de droit ou la libéralisation de l’Economie. Il est aussi très investi dans de multiples activités socio-culturelles (conseil des fondateurs de musées comme « Istanbul Modern » ou « Santral Istanbul », préparation d’« Istanbul-2010, Capitale de la Culture »).

De par son éducation américaine et ses longs séjours aux Etats-Unis, Egemen Bağış dispose aussi d’un solide réseau outre-Atlantique qu’il a fortement mis au service du parti majoritaire. Seule ombre au tableau, il a été épinglé par la diaspora arménienne pour des déclarations jugées « négationnistes ». Il faut dire que, l’an passé, lorsque que le Congrès américain avait fait un pas vers la reconnaissance du « génocide », il avait été dépêché sur place.

Une nouvelle impulsion donnée aux négociations

Le nouveau dispositif mis en place et la nomination d’Egemen Bağış semblent indiquer la volonté du gouvernement de repartir sur de nouvelles bases dans ses négociations avec l’UE. Depuis 2005, ces dernières paraissent quelque peu enlisées, puisque sur les 35 chapitres que compte au total le processus de négociations, seuls 10 ont été ouverts et 8 autres sont gelés, suite au refus de la Turquie d’ouvrir ses ports et aéroports à Chypre, en application de l’accord d’Union douanière.

La présence à la tête du processus de négociations d’une personnalité maîtrisant parfaitement l’anglais, ouverte à globalisation économique et culturelle, peut contribuer à changer l’image conservatrice et religieuse qui a souvent été celle des précédents négociateurs issus de l’AKP. Toutefois, pour confirmer cet a priori favorable, il faudra que le premier ministre appuie de tout son poids son nouveau négociateur en chef et que, plus qu’une nouvelle vitrine, celui-ci apparaisse véritablement comme la voix du gouvernement. Saluant la nomination d’Egemen Bağış, l’éditorialiste de Milliyet, Hasan Cemal, lui conseille également d’être très attentif au choix de ses conseillers, en faisant appel aux vrais spécialistes de l’Union européenne que compte le ministère des affaires étrangères et non à des gens qui seraient choisis avant tout en raison de leur allégeance à l’AKP ou de leur appartenance communautaire.

Malgré l’ouverture de deux nouveaux chapitres des négociations pendant la présidence française, les négociations turco-européennes traversent actuellement une phase de torpeur. Le dernier rapport sur les progrès de la Turquie, rendu par la Commission européenne, au début du mois de novembre 2008 soulignait l’absence de réformes et reprochait au gouvernement son immobilisme en dépit des moyens politiques que lui avait donnés sa victoire aux élections, l’année précédente.

... mais une tâche qui s’annonce difficile

La tâche d’Egemen Bağış s’annonce donc rude, même si Hasan Cemal estime que le gouvernement est peut-être en train de faire avec retard, ce qu’il aurait dû faire dès 2005. « Souvenez-vous de 2002 », écrit l’éditorialiste de Milliyet, « le gouvernement de l’AKP qui venait tout juste d’arriver au pouvoir semblait ne pas prendre au sérieux ni le FMI, ni l’UE. Mais il a changé. Il a commencé à faire ce qui était correct, même si ce fut avec un peu de retard. D’une part, il a porté son attention sur l’économie et les marchés pour finir par signer un accord avec le FMI. D’autre part, il a appuyé sur la pédale au sujet de l’UE ayant eu vent « des rumeurs de coup d’Etat » et a arraché une date à l’UE fin 2004 ». Le problème est que par la suite cet enthousiasme a tourné court et que, depuis, le gouvernement a annoncé à plusieurs reprises la relance d’un processus de réformes qui n’a toujours pas vraiment repris…

La motivation du gouvernement turc dans la relance des réformes devrait être testée dès le début de cette semaine, puisque Recep Tayyip Erdoğan se rend à Bruxelles pour faire le point sur la candidature de la Turquie avec les principaux responsables européennes, notamment Jose Manuel Durao Barroso (le président de la commission européenne), Javier Solana (le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère) et Hans-Gert Pöttering (le Président du Parlement européen). Cette visite en elle-même est un événement car cela fait longtemps que le premier ministre turc ne s’était pas rendu dans la capitale européenne. Mais il faudra plus que ce retour et la nomination d’Egemen Bağış pour convaincre les Européens qu’une nouvelle ère s’est ouverte.

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Sources

article original sur le blog d’Ovipot

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